lundi 22 novembre 2010

لقاء دولي حول "التصوف عند السريان "

لقاء دولي حول "التصوف عند السريان "

جرى بتاريخ 19 نوفمبر عام 2010 في باريس لقاء دولي حول التصوف عند السريان بإشراف «مجمع الدراسات السريانية" . لقد حضر هذا اللقاء أكثر من 90 أستاذا وباحثا مستشرقا في الدراسات السريانية. تطرق المشاركون عن نشارة حياة التصوف لدي رهبان كنيسة المشرق وعن روحانية اؤلائك المتصوفين الكبار مثل: داديشو قطرايا، يوسف حزايا، إسحاق النينوي ، وسهدونا وآخرين.
لقي هذا المؤتمر نجاحا باهرا ومداخلات قيمة.  وفي ختام جلساته  حضر عدد من أبناء شعبنا الكلداني السرياني الأشوري المقيمين في باريس وفي بروكسيل فرحين بهذا الاهتمام الكبير الذي يوليه المستشرقون حول تراثنا . ستنشر أعمال هذا اللقاء في كتاب خاص .
علما باني احد مؤسسي "مجلس الدراسات السريانية" في فرنسا.
افرام عيسى يوسف
مجموعة من ابناء سعبنا


mardi 16 novembre 2010

Le début de la renaissance culturelle syriaque au Kurdistan irakien


Du 6 au 9 septembre 2006, le premier Congrès mondial de Kurdologie fut organisé à Erbil par l’Institut kurde de Paris et par le Gouvernement du Kurdistan fédéral de l’Irak. Il se tint à l’université Salahadin.
J’eus l’honneur de participer à ce congrès et d’y intervenir. Je parlai de deux dynasties kurdes, brillantes et tolérantes, celle des Marwanides (983-1085) établie à Mayafarkin et celle des ‘Ayubides de la Djézira, en Haute Mésopotamie, avec le grand Malik al-Ashraf (+ 1237). Les chroniqueurs syriaques évoquèrent souvent les rapports cordiaux qu’entretenaient ces princes avec les chrétiens syriaques (jacobites et nestoriens) habitant la Haute Mésopotamie.



Permanence de la culture syriaque, culture du monde

Héritiers des vieux Mésopotamiens, fiers de leurs traditions, les Syriaques forgèrent une vision originale de l’homme et du monde. Au fil des siècles, prélats, clercs, médecins, philosophes et traducteurs célébrèrent la flamme du savoir. Ils montrèrent un attachement exceptionnel à l’étude et à leur langue. Ils fondèrent des écoles, réalisèrent des recueils, composèrent des poèmes, des hymnes, des chroniques. Ils participèrent au progrès des sciences, mathématique et astronomie.

Leur culture, riche de nombreux documents, manuscrits, vestiges archéologiques, inscriptions, fait partie des cultures du monde, des « humanités », comme les cultures grecque, égyptienne, romaine.

Hélas, depuis la création de l’État d’Irak en 1921, par manque de moyens et de liberté, la culture syriaque n’a pu s’épanouir et s’est étiolée.

Un début de renaissance

Lors de la révolte du grand leader kurde Mustafa Barzani en 1961, qui revendiquait l’autonomie, de nombreux villages chrétiens et kurdes du Nord furent dépeuplés, détruits par les gouvernements de Bagdad, les populations déplacées.

En 1991, lors de la guerre du Golfe, les Kurdes du Nord de l’Irak se soulevèrent. L’armée de Saddam Hussein les pourchassa jusqu’à la frontière turque. Les Américains et leurs alliés décrétèrent alors une zone de protection au Kurdistan, qui couvrait les départements de Dohuk, Erbil, Soulemanya. Les Kurdes irakiens commencèrent dès 1992 à s’auto- administrer, à créer des ministères.

Au ministère de l’Éducation Nationale, à partir de l’année scolaire 1993-1994, l’on prépara les programmes, les manuels.

Plusieurs écoles dans le département d’Erbil accueillirent les jeunes Assyro-Chaldéen-Syriaques.

Dans le département de Dohuk, en plus de l’enseignement des langues kurde et arabe, l’on ouvrit une section spéciale pour la langue syriaque. Dix-sept écoles primaires donnèrent tous leurs cours en syriaque, six autres écoles enseignèrent les différentes matières du programme en kurde, mais le syriaque demeura obligatoire.

Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, en 2003, le mouvement de renaissance prit un nouvel élan. Dans les villes et villages de la plaine de Ninive où résident une majorité d’Assyro-Chaldéen-Syriaques : Bagdeda (Qaraqoche), Bartella, Alqoche et Tell-Kaif, Karamless, Tell-Esqof, Batnaya et autres villages- des centres culturels et des écoles en langue syriaque virent encore vu le jour et commencèrent à s’organiser, à fonctionner, à promouvoir les études syriaques.

De nos jours, six grands lycées donnent leur enseignement dans toutes les matières en syriaque. Les linguistes rédigent des dictionnaires, arabe-syriaque et syriaque-arabe, dictionnaires spécialisés dans le vocabulaire des sciences modernes.

Aujourd’hui, les Assyro-Chaldéen-Syriaques du nord de l’Irak prennent conscience de la richesse de leur culture. Ils souhaitent réveiller l’intérêt de leurs enfants pour la science, la médecine, la philosophie, la grammaire, la littérature, l’histoire, l’art et le droit, bref pour leur patrimoine culturel. Ils veulent garder leur langue, le soureth, le syriaque moderne. Par contre, la langue liturgique reste le syriaque classique, langue utilisée depuis des siècles lors des célébrations religieuses.

Ankawa, un centre culturel flamboyant

Le congrès de Kurdologie terminé, je quittai Erbil et me rendis en voiture dans la ville chaldéenne d’Ankawa, toute proche, peuplée d’environ 20 000 habitants. Je voulais visiter le nouveau centre culturel. Je découvris une belle construction de trois étages. A l’entrée, j’aperçus une grande salle, ouverte au public, où étaient exposés les journaux et les magazines publiés en Irak et au Kurdistan. Un jeune garçon s’avança vers moi, pour m’accueillir et me proposa de m’accompagner dans ma visite.

À droite, s’ouvrait une vaste pièce de réception garnie de fauteuils en velours jaune d’or. J’y jetai un coup d’œil rapide. Sur le mur du fond trônait une toile représentant le grand chef kurde Mustapha Barzani.

Je sortis et regardai autour de moi. À gauche, s’alignaient plusieurs bureaux de gestion et d’administration.

Je montai avec le jeune garçon au premier étage, et pénétrai dans une salle équipée d’une dizaine d’ordinateurs. Je saluai des garçons et des filles, assis devant les écrans, qui travaillaient à la publication d’ouvrages et de revues.

Je me dirigeai vers la bibliothèque. Derrière son bureau, une jeune femme chaldéenne me fixait de ses yeux noirs. Je la saluai aussi et bavardai avec elle quelques instants. Elle se leva, délia lentement sa taille, et me montra sur les rayonnages, de beaux livres, écrits en syriaque, en kurde, en arabe, en anglais.

-Songez donc, me dit-elle avec fierté, que nous possédons 1788 ouvrages ! Nous venons d’acquérir plusieurs livres nouveaux, je m’applique à les cataloguer.

Je la félicitai.

Je passai rapidement dans la salle d’à-côté, une pièce destinée à la formation des acteurs, qui servait aussi de salle de musique orientale et occidentale.

Puis je gagnai le deuxième étage, où d’autres bureaux étaient réservés aux archives et à la gestion.

Toujours escorté de mon compagnon, je visitai un autre bâtiment qui contenait, au rez-de-chaussée, une grande salle de conférence et de réception de 600 mètres carrés au beau plafond travaillé : C’était l’Adiabène, la plus belle salle du Kurdistan. Garnie de rideaux de velours, elle pouvait accueillir 700 personnes et disposait de tout le confort et de l’air conditionné. Cette salle servait aussi de théâtre. L’on y avait joué plusieurs pièces, témoignant d’une véritable naissance du théâtre en langue syriaque.

Je suivis un escalier qui grimpait au premier étage vers une vaste cuisine et une élégante salle à manger, ouverte au personnel du centre et aux convives.

Au deuxième étage, à l’angle, j’aperçus des ouvriers qui terminaient la construction de six appartements destinés à loger les écrivains, les peintres, les artistes et les journalistes invités par le centre.

Je ne pouvais faire attendre davantage Jalal Marcos, le vice-président, qui m’attendait dans son bureau. Je vis un homme de taille moyenne, aux cheveux grisonnants, âgé d’une cinquantaine d’années. Sur son invitation, j’allai m’asseoir sur le divan. Je lui fis part de mon étonnement devant la beauté, l’ordre, l’harmonie qui régnaient dans l’espace culturel. Il me remercia gentiment. Devant lui, sur le bureau, il avait préparé des documents, pour me donner de plus amples précisions sur le centre d’Ankawa.

-À quelle date fut-il fondé, lui demandai-je ?
-Ce centre a été créé en 1998, me répondit Jalal Marcos.
-Qui le finance ? Qui le gère ?
Un calme sourire éclaira son visage.
-Le Ministre de l’Économie et des Finances du Kurdistan irakien, Sarkis Agajan.

Quant à la gestion, elle est assurée par l’« Association culturelle chaldéenne. » Dix personnes la dirigent et dix autres y travaillent comme employés.

Nous poursuivîmes la conversation. J’appris que l’on éditait dans ces locaux une revue de 128 pages, rédigée en langue syriaque, en arabe et en kurde, la revue trimestrielle Radya Caldaya. L’on y publiait un journal mensuel, Beth Ankawa, écrit en arabe et en syriaque.

Depuis peu, l’espace culturel avait accepté de publier aussi le grand journal kurde, Nawa. Chose remarquable, il y avait dans ce journal une page en langue syriaque.

Le centre possédait aussi une petite maison d’édition dédiée au grand savant chaldéen Addaï Scher, maison qui avait publié déjà une quinzaine d’ouvrages, afin de promouvoir la culture du peuple assyro-chaldéen-syriaque. Le directeur avait le projet d’installer une imprimerie et d’agrandir la maison d’édition.

Je songeai à l’imprimerie des Pères dominicains de la province ottomane de Mossoul, ouverte en 1859, puis fermée par les Turcs en 1914. Elle avait publié 350 livres en arabe et en syriaque, les avaient mis à la disposition des populations. J’avais le sentiment qu’environ un siècle après sa disparition, une nouvelle étape commençait pour les écrivains, les chercheurs, les journalistes issus du peuple assyro-chaldéen-syriaque. Ils pourraient donner un nouvel élan à leur culture.

Je remerciai Jalal Marcos et pris congé. Le comptable, les responsables des activités théâtrales et de la maison d’édition descendirent et vinrent me saluer avec cordialité.

-Nous espérons que vous n’allez pas oublier Ankawa et notre centre quand vous retrouverez les lumières de Paris !

Ma visite à Ankawa était terminée, j’avais l’impression que cette ville allait devenir la capitale culturelle de notre peuple.

Une halte au centre culturel de Dohuk

Je remontai en voiture pour me rendre à Dohuk, une ville située entre les chaînes montagneuses (Bekher et Shndokha) qui bordent la Turquie et la Syrie au Nord et à l’Ouest. Aujourd’hui, elle est peuplée de plus de 800 000 habitants, musulmans, chrétiens, yézidis. J’évoquai en pensée le célèbre écrivain syriaque Narsaï (399-503) qui était né au village voisin de Ma’altâ et qui avait fondé la brillante École de Nisibe, (une sorte d’université). Aujourd’hui, c’est un nouveau quartier de la ville.

J’arrivai à Dohuk au milieu de l’après-midi, je cherchai le célèbre centre culturel assyrien dont on m’avait parlé depuis des années. C’était un grand bâtiment bleu mauve, crénelé, décoré d’une inscription en syriaque.

A mon arrivée, le directeur Nissan Mirza, qui avait été prévenu, vint m’accueillir aimablement dans la cour avec son équipe. Nissam Mirza, un homme grand, brun, élancé était diplômé en gestion et en économie.

Il me reçut dans son bureau et fit apporter le thé. Avant que j’aie pu l’interroger, il me parla de la fondation de cet espace culturel.

- Le centre, le premier de la région, me dit-il tranquillement, a été fondé le 15 mars 1992, pour donner un nouvel essor à la culture, à la langue et au patrimoine de notre peuple assyro-chaldéen-syriaque. Il convenait de faire connaître nos écrivains et de les mettre en contact avec un autre peuple de la région, les Kurdes.

Depuis l’ouverture, nous organisons des stages de formation en langue syriaque, destinés aux élèves des écoles et collèges et aux enseignants. Des stages d’informatique attendent aussi les jeunes, afin de les familiariser avec l’ordinateur et Internet.

Chaque année, des expositions révèlent aux visiteurs, livres, œuvres d’art réalisées par des artistes syriaques. Quelques personnalités viennent donner des conférences à tous les auditeurs qui manifestent un intérêt pour le patrimoine syriaque.

Je demandai au directeur qui soutenait financièrement toutes ces activités culturelles, linguistiques, artistiques. Il me répondit que les dons arrivaient de la communauté assyrienne de Dohuk, mais aussi d’une association caritative assyrienne d’Amérique.

Ensuite, nous nous levâmes, pour sortir. Nissan Mirza me fit visiter le bâtiment, il me montra la grande salle de conférence, d’exposition, de fête. Elle était souvent louée pour les mariages, ce qui constituait une source de revenus pour le centre.

Puis il me conduisit à la bibliothèque, dotée de 1600 ouvrages en langue syriaque, arabe, kurde, anglaise et autres langues. De jeunes lecteurs, installés devant des tables, étaient plongés dans leurs livres, malgré la pénombre.

-Ils vont s’abîmer la vue, car l’endroit est mal éclairé, chuchotai-je au directeur. D’autre part, il me semble que les fauteuils bleus en plastique sont trop modestes et plutôt inconfortables.

Il me répliqua en souriant :
-Vous avez raison. Nous avons, depuis un moment, pris conscience du problème. Nous avons entrepris la construction d’une nouvelle bibliothèque plus spacieuse, garnie de belles fenêtres.

À présent, Nissan Mirza désirait me montrer le bureau de la rédaction de la revue Kukhwa Beth Nahrain, L’étoile de la Mésopotamie. Créée le premier décembre 1992, elle paraissait chaque trimestre, en langue syriaque et en arabe. Elle contenait 132 pages et était financée par des bienfaiteurs assyriens.

Dès l’entrée, Nissan Mirza me présenta au directeur de la publication, Farid Yacoub, et à son équipe. Je feuilletai rapidement un numéro, puis félicitai Farid Yacoub sur la présentation, la couverture de papier glacé, ornée de photos en couleur, la mise en page et les beaux caractères syriaques.

–Vous avez réalisé un travail formidable, lui dis-je avec enthousiasme !
-Notre peuple a une expérience bien ancrée dans ce domaine, création de journaux, de revues, de magazines, m’expliqua Farid. Déjà en 1849, les Assyriens de Ourmia en Iran avaient lancé le magazine Zahrira de Behrea (Le rayon de lumière.)

Pour terminer la visite du centre, Nissan Mirza me présenta la maison d’édition et la quinzaine d’ouvrages publiés.
-Nous jouissons maintenant d’une grande liberté, m’annonça-t-il, aussi avons-nous beaucoup de projets, et l’ambition de rééditer les écrits de nos pères, méconnus par notre peuple.
Il se tourna vers moi et poursuivit :
-J’espère qu’un jour nous aurons le plaisir de traduire en syriaque et de publier l’un de vos ouvrages. Votre livre intitulé « L’épopée du Tigre et de l’Euphrate » nous intéresse particulièrement.
-J’en serai ravi, lui répondis-je.

Il m’offrit quelques livres. Je le remerciai de tout cœur pour ce geste amical.


Un remarquable lycée à Dohuk

Je ne pouvais passer à Dohuk sans aller voir le Lycée français dont voici l’histoire.

Il y a une dizaine d’années, le prince Rainier de Monaco avait voulu créer une antenne humanitaire à Dohuk, pour aider l’Enfance et la Jeunesse. Ce projet, confié à l’énergique Monseigneur Rabban, l’évêque d’Amadia, mûrit peu à peu ; il aboutit à la fondation d’un Lycée français. Les autorités du Kurdistan, avec l’aide de la ville de Dohuk, accordèrent un terrain, la construction commença. Le Lycée fut inauguré solennellement.

Je rencontrai le directeur, Wahid, un Kurde musulman, homme cultivé, humaniste et ouvert.
-L’établissement, moderne et beau, accueille aujourd’hui 280 élèves, garçons et filles de bon niveau, en option scientifique, m’apprit-il. Son but est de former des cadres pour le pays, qui soient de toutes religions et de toutes confessions, kurde, assyro-chaldéenne, arménienne, yezidie. L’enseignement y est gratuit.

Wahid m’apprit que d’excellents professeurs travaillaient au lycée, et le français y était enseigné.

L’enseignement du syriaque était obligatoire : des Assyro-Chaldéen-Syriaques étaient inscrits aux cours, mais des Arméniens, des Kurdes venaient aussi y assister, désireux d’apprendre cette langue prestigieuse, deux fois millénaire.

À la fin de ma visite, j’avisai un bâtiment en construction de 5 étages.

Le directeur voulut bien m’éclairer :
– C’est le futur internat de 50 studios, équipés de toutes commodités et d’ordinateurs. Les élèves y seront accueillis gracieusement. Au rez-de-chaussée, l’on a prévu un restaurant et une vaste salle de conférence.

Il faisait chaud et Wahid m’emmena dans son bureau où il fit apporter des boissons fraîches. À ce moment, le téléphone portable sonna. C’était Monseigneur Rabban, qui s’excusait de ne pouvoir me rencontrer. Il n’avait pas été mis au courant de ma visite et se trouvait à Amadia. Il renouvelait ses remerciements pour les centaines de livres que notre délégation de kurdologues avait apporté de Paris pour la bibliothèque du lycée.


Hîzil : le centre culturel et social de Zakho

Je vins séjourner quelques jours à Zakho, ville d’environ 280 000 habitants. Elle était assise au bord du Khabour, à 40 kilomètres environ au nord ouest de Dohuk, à la frontière turque. Des Kurdes, des Chaldéens, des Arméniens la peuplaient. C’était ma région natale.

Je songeai au Père Campanile, dominicain italien, nommé préfet apostolique pour la Mésopotamie et le Kurdistan en 1809, qui visita et aima Zakho. N’écrivit-il pas :

« De toutes les malheureuses villes du Bahdinan, Zakho est la plus gracieuse et la plus agréable. Elle est située sur une pente douce et forme une île entourée par le Khabour qui, à peu de distance de Zakho, s’unit à quelques ramifications du Hîzil. Elle est au milieu d’une très belle tranchée de collines, toutes revêtues d’herbes vertes, qui forment des perspectives pittoresques et délicieuses. Les petits jardins qui l’environnent la rendent de beaucoup plus joyeuse et riante. Elle est riche et commerçante. Les négociants s’y rendent de presque tout le Kurdistan et la Mésopotamie ; ils y achètent et y vendent de multiples marchandises.
Ses produits sont : les noix de galle, qu’on estime être les meilleures de tous les autres coins du Kurdistan, le riz, la cire, le miel, l’huile, le sésame, le sumac, le raisin sec, les lentilles et beaucoup de fruits. Il y a aussi des mines de sulfate très célèbres. » in : Histoire du Kurdistan.

Deux siècles avaient passé mais Zakho avait conservé son charme et son dynamisme. Dès mon arrivée, j’allai voir le vieux pont de pierres, le célèbre pont Dalal, datant probablement de l’époque romaine. Je me rendis compte qu’il était dans un état pitoyable et qu’il avait besoin d’une rapide restauration. Inquiet, j’entrais en contact avec Kanan Mufti, le directeur des Antiquités du Kurdistan autonome, grâce au téléphone portable, et je l’alertai sur le danger d’un effondrement. Il me promit de prendre des mesures, en vue d’une restauration.

Après quelques jours de repos chez mes parents et amis, je partis visiter à l’improviste le centre culturel et social, situé au centre de la ville, près de l’évêché chaldéen.

Je demandai aussitôt à rencontrer le directeur. Surpris, je vis venir vers moi Amir Goga, un ami d’enfance et de jeunesse, perdu de vue depuis longtemps. Il avait pris de l’âge comme moi, ses cheveux avaient blanchi en partie, mais il avait gardé son entrain, son enthousiasme.
-Je suis heureux de vous voir. Vous êtes revenu au pays, après toutes ces années ?

Il prit place à côté de moi sur le divan. Nous échangeâmes des souvenirs, racontâmes quelques blagues en soureth de la région, puis je fis glisser la conversation.
- Parlez-moi de vos activités culturelles et sociales. J’ai entendu dire grand bien de votre centre depuis mon arrivée à Zakho.

-C’est une véritable entreprise, me répondit Amir Goga. Quatre-vingt-trois employés y travaillent.

Sur le plan social et humanitaire, il y a beaucoup à faire. De nombreuses personnes se présentent chaque jour au dispensaire, sollicitant des aides de toutes sortes. Elles sont soignées gratuitement et reçoivent des médicaments. Le centre offre une allocation mensuelle à 912 familles chrétiennes, émigrées de Mossoul et de Bagdad et à 570 autres familles nécessiteuses de la région.
Sur le plan culturel, le centre publie en kurde et en arabe une revue de bonne qualité intitulée Hîzil. Les auteurs, les artistes de la province de Zakho peuvent ainsi promouvoir leur patrimoine.


Sanate

Le directeur se leva et prit sur son bureau le premier numéro de la revue. Je l’ouvris et ô surprise, j’aperçus au dos de la couverture une photo ancienne de mon village natal, Sanate. Quelle émotion !
-Mille mercis, pour Sanate et ses fils, lançai-je avec un sourire.

Amir Goga reprit le fil de la conversation :

– Toujours dans ce domaine culturel, une petite équipe est chargée d’animer une radio, qui diffuse ses émissions en langue syriaque, kurde, arabe et arménienne, de huit heures et demie du matin à vingt et une heures trente. Les auditeurs peuvent écouter des informations, de la musique, des chansons. Une autre équipe s’occupe de l’initiation des jeunes à l’informatique, de leur formation. Elle dispose à Zakho et dans la région de 5 centres équipés d’ordinateurs, offrant l’accès à l’Internet.

Puis Amir Goga me parla, avec beaucoup de verve et de sensibilité, d’un projet qui lui tenait à cœur : la reconstruction des villages chrétiens détruits et rasés par l’ancien régime baassiste de l’Irak, comme Peshkhabour, Deraboun, Bajida, Karaoula, Charanes, Deschtatar et autres. Bien alimentées en eau, en électricité, 650 maisons avaient déjà été reconstruites, et 250 attendaient la fin des travaux. Huit écoles et onze salles communales ouvraient leurs portes. L’évêché se chargeait de rebâtir les églises.

J’étais impressionné par l’ampleur de la tâche et demandai au directeur s’il n’était pas à l’étroit dans ces murs.
– En effet, me répondit-il, les locaux sont trop exigus maintenant, mais nous sommes sur le point d’acheter un terrain à l’entrée de la ville pour bâtir un plus grand centre, en vue de toutes nos activités culturelles et sociales. Le gouvernement fédéral du Kurdistan, dirigé par le Premier Ministre Nechirvan Barzani, secondé du Ministre de l’Économie, Sarkis Agajan, continue à financer tous nos projets.

Il se faisait tard, je quittai mon ami, le louant pour son dynamisme et son dévouement.

Rentré chez moi à Paris, je réfléchis à tout ce que j’avais vu et l’espoir brilla dans mon cœur.

Je repensai à mes visites à ces différents centres culturels du Kurdistan irakien, aux personnes que j’avais rencontrées, aux entretiens que j’avais pu avoir avec les responsables de la région. J’eus le sentiment d’un début de renaissance de la culture assyro-chaldéenne-syriaque et de la langue syriaque. J’en avais vu les signes.


J’espère qu’un jour, une Université syriaque naîtra, pour la plus grande joie des nouvelles générations. Ai-je le droit de rêver ?

vendredi 12 novembre 2010

French scholars and Syriac culture


BnF, Manuscrits, (Syriaque 248 fol. 8v-9)


I - Syriac Manuscripts

The first collection, somewhat important, Syriac manuscripts gathered in the West was that of Colbert, minister of Louis XIV. Representatives were then sent to East, as the father Vansleb in 1671, buying manuscripts. On the death of the famous minister in 1683, the collection includes 112 volumes.

Colbert's collection was acquired in 1732 by the Royal Library, now the National Library. At the publication of its catalog, in 1874, it had 174 volumes Syriac. New acquisitions have subsequently increased that number to 288. In 1911, with copies to various purchases, the number of manuscripts amounted to 355 volumes. It has steadily increased, it is now 436 volumes, through purchases, bequests. These texts come from religious communities in the Christian East, Melkite, Maronite, Syriac Orthodox and Syriac Eastern, and even India. Many documents are religious, but there are dictionaries, grammar books, books of philosophy and science.

The oldest manuscripts are written in estrangela. Other characters are written in Syriac, but in Arabic, the garshouni.

A manuscript Syriac 341, Paris BN, decorated with beautiful illuminations, is of great interest because it was used by the University of Leiden for editing the Peshitta. It dates as specialists from the sixth century iconography.


NF, Manuscrits orientaux (Syriaque 341)

Remarkable is also the manuscript 332, Collection Synods Nestorians, translated and edited by JB Chabot in 1902 in Paris.

The manuscript includes the 62 apostles and Didascalie the Doctrine of Addai.


II-Pioneers

I) The classical Syriac language :

Soon scholars, French Orientalist interest in Syriac rich heritage and began to study it and promote it.

Étienne Quatremère (1782-1857)

Quatremère Etienne was undoubtedly the most Orientalist scholar of his generation. The first in France and said he understood the importance of literature Aramaic for the knowledge of Eastern civilization. His memory on the Nabataeans published in 1835 in the Journal Asiatique, is a model of criticism and scholarship. The draft dictionary Syriac he had matured and prepared by an immense work, stripping many manuscripts and printed texts in their thinking responded to the need to facilitate the study of the language "which surely deserves, he said And, in particular, the attention of fans of Eastern literature. "

Payne Smith. He has made the draft dictionary Syriac, Thesaurus syriacus, and wanted to pay tribute to his predecessors Etienne Quatremère, using its cards and registering its name to frontispiece of this masterly publication, the fruit of thirty-six years of toil assiduous.

P. J. Brown. His Dictionarium syriaco-Latinum, published in 1895, is an abbreviated practice Thesaurus, which makes the greatest services to beginners and fitted today instruments that have been lacking in their elders.



Ernest Renan (1823-1892), who knew Syriac, was among the first to exploit the riches of the Syriac manuscripts from the British Museum. He noted the importance in his letter to Mr. Reinaud. Renan then completed his research on the philosophy of Averroes. An examination of his manuscripts revealed that philosophy carried Arabic works of Aristotle through Syriacs, and he developed the idea in his thesis De Philosophia peripathética apud Syros. It had the merit of highlighting the importance of Syriac translations of Greek works in the history of science.

Abbot Paulin Martin. (1840-1890). A man dedicated to studies Syriac were the abbot Paulin Martin. His perseverance was commendable. The Asian Journal it opened its pages, it published several works: Jacques d'Edessa and Syrian vowels; The mässor among Syrians (1869); test on the two main dialects Aramaic (1872), History of Punctuation (1875) The Hexaméron of Jacques d 'Edessa (1888). Father Martin Paulin presented by lack of means, a collection its foreign Chronicle Joshua Stylites (Leipzig, 1876) and Metric among Syrians (ibid., 1879). He was reduced to autographier the Letter of Jacques d 'Edessa on spelling (1869) and the important issue of grammatical Barhebraeus Works (1872).

Orientalists no longer meet this difficulty. The Patrologia Orientalis and especially the Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium published by the Universities of Washington and Louvain, offered the assurance of not preparing their publications in vain. Since 1903 the C.S.C.O. has published many volumes of texts or translations of Syriac, hundreds of tests, studies, dissertations.

Duval-Paul Rubens (1839-1911)
Of all the French Orientalist, Paul Rubens Duval has the largest contribution to the development of Syriac Aramaic studies. It was the tireless collaborator of the Asian Journal that it had become a member since 1879, then deputy secretary and librarian, manager and vice president in 1908.
He left many works. He wrote twenty articles and a hundred bibliographic records. Its editions of texts: Will of Saint Ephrem Epitres of Ishoyahb III Homéliae cathedrals of Severus of Antioch, 1908, Alchemy Syriac, the Treaty of Syriac Grammar, 1881, its treaties alchemy Syriac, 1893, and Syriac Literature , 1899 testify to its labor activities.

Among his other works, mention his political history, religious and literary Edessa until the first crusade, and especially his 1892 edition of Lexicon Auctore Syriacum hassano Bar Bahloul 1888-1900.
Remember, however, that its Syriac Literature went through three editions in seven years: evidence of progress that these studies were done in France; studies that obtained then, rightly, a place in formal education. A chair of Languages and Literatures Aramaic was founded at the College de France in 1895, and occupied by Duval with distinction until 1907.

René Léger Graffin (1858-1941)
Another prominent teacher, Graffin, born in Ste-Radegonde-en-Touraine (Indre-et-Loire.). He went to study in French seminar in Rome. Ordained in 1884, he received a doctorate in theology the following year. He went to Innsbruck University to study oriental languages. Revenue in Paris, he was charged in 1886 the price of the Syriac Catholic Institute, then taught Hebrew in 1893. In 1926, he reorganized the section of Eastern Languages.

Named Chevalier of the Legion of Honor in 1897, Director of the Journal of the Christian East. It is known to have issued from 1894 to 1927 the Patrologia Syriac (3 vols.) And from 1903, the Patrologia Orientalis (25 vol.), A collection of texts relating to Eastern Christian literature.
His nephew François Graffin followed in his footsteps and published several books and articles on culture Syriac.


Jean-Baptiste Chabot (1860 - 1949)

He was born in Vouvray (Indre-et-Loire) on 16 February 1860, a family of winemakers. He studied at the seminar Tours, learned Greek. Ordained in 1885, he left in 1887 for the University of Louvain in Belgium, where he finished his studies. In 1992 he received a doctorate and master of theology for its study on Isaac of Nineveh.

Chabot returned to Paris, Syriac studied at the Ecole des Hautes-Research. He assured on several occasions at the request of Rubens Duval, for replacement of the chair of language and literature Aramaic at the College de France. He prepared under the direction of the old master, the publication of the Chronicle Denys de Tell Mahr, and was named graduate student of the School of High Studies. He collaborated assiduously Journal Asia, the archaeological journal.

Chabot traveled to Palestine. He was sent on mission in East, and made a breakthrough in the Syriac Orthodox church of Urfa (Edessa): Chronicle of Michael the Syrian, text of the twelfth century. He published in 1899-1904 and then translated into French.

Chabot worked for more than half a century to his scientific work. In addition to the Chronicle of Michael the Syrian, he left many works, like the History of Mar Yabalaha III and the monk Rabban Cauma, the Eastern Synodicon of the Church of the East, Syriac Literature, and Languages Aramaic literatures, the Hexaméron of Jacques of Edessa, the Legend of Mar Bassus.

Chabot died at the age of 89 years. He had made a huge culture Syriac, by making available the great French texts of these people.

François-Nicolas NAU (1864-1931)
François-Nicolas NAU, mathematician, a great orientalist, syriacisant, born in Thil (Moselle), 13 May 1864, he was the eldest of five children. After attending primary school Longwy until 1878, he entered the minor seminary Notre-Dame des Champs in Paris, then to the Major Seminary of St. Sulpice in 1882. He obtained his Bachelor of Theology of Canon Law. On 17 December 1887, he was ordained a priest in the diocese of Paris.

F.N. Nau then studied mathematics and natural sciences, then, from 1889 Syriac. In 1895 he obtained a diploma from the School of High Studies in Paris Publishing (Syriac text and English translation) treaty astronomy Hebraeus Bar (1279). In 1897 he was elevated to the rank of Doctor-ès Science .

In 1899 he founded with René Graffin (1858-1941) the series' Patrologia Orientalis ", which was designed to complement the Greek and Latin Patrologie Migne.

Starting in 1890, Nau taught for nearly 40 years of mathematics and astronomy at the Catholic Institute of Paris.

In 1927 he obtained a teaching of Syriac at the School of High Studies.

In 1928 he became dean of the School of Sciences. He published many scientific articles and books, and unpublished texts Syriac. The list of his publications (Asian Journal No. 233) includes more than 250 books. Here are some:

-A new biography of the Bardesane astrologer (154-222), from the history of Michael the Great, Patriarch of Antioch (1126-1199), 1897;
Astrologer-Bardesane. The Book of Acts countries. Syriac text and French translation, 1899.
-The Book of the ascent of the spirit over the form of heaven and earth. Astronomy course drafted in 1279 by Gregory Aboulfarag, said Hebraeus Bar, Part I: Text Syriac, 1899, Part II: English translation, 1900 (BEHEER 121);
-European studies. I. Stories Açoudemmeh and Marouta, metropolitan of Tagrit Jacobites and the East (sixth and seventh centuries), followed by the Treaty of Açoudemmeh in humans. Syriac texts published novel, translated and annotated, in: PO 3, 1905, 1-120; Selected Letters of Edessa Jacques, published and translated, 1906; Old Syriac literature canon, fasc. II. The guns and resolutions of canonical Rabboula, Jean de Tella, Cyriaque of Amid, Jacques d'Edessa, Georges Arabs, Cyriaque of Antioch, John III, Theodosius of Antioch and Persians, translated for the first time in French , 1906;
Briefcase for Bible study. History and Wisdom of the Assyrian Açikar (son of Anaël, nephew of Tobit). Translation of the Syriac versions with key differences in Arabic, Armenian, Greek, neo-Syriac, Slavic and Romanian, 1909;
Old-Syriac literature canon, fasc. I. Didascalie the twelve apostles, translated from Syriac for the first time. Second revised and expanded edition of the translation of the Didache of the twelve apostles, the Didascalie of the apostle Adaï and impediments to marriage (pseudo-) apostolic, 1912 (1. Aufl. 1902);
Briefcase to serve in the history of the Nestorian Church. The first part of the History of Barçadbešabba `Arbaïa. Syriac text edited and translated, in: PO 23, 1932, 177-343.

2) The Soureth (modern Syriac)

The Vincentians
The communities who spoke Syriac, during their history, gave birth to a new dialect, the soureth. The French are Orientalistes intéressèrent. Missionaries Lazaristes French Ourmiah published in 1877 the New Testament into Syriac
It should be noted that Rubens Duval was published in 1883 notes on the dialect Salma (Persia) in 1896 and other notes. Dialects neo-Aramaic.

Dominicans
The French Dominicans installed in Mosul interest in soureth Christians who lived in the Nineveh Plain and north of the country. The best known was the father Jacques Rhetoric (1841-1921).
He was born in 1841 in Charity Sur-Loire, his father was a modest clog. He entered the seminary in 1859, became a Dominican, and in 1874 joined the mission in Mosul. He was attached to the monastery of Mar Yaco between Dohuk and Alqoche. There, he began to study the Aramaic and soureth. Around 1902 he moved to Achitha, large Nestorian village of Hakkari, for converting the Nestorians. In 1915, during the First World War, he was taken hostage in Mosul by the Turks and deported in Mardin where he witnessed the massacre of Christians. He died in Mosul on March 12 1921.

The father had taught Rhetoric easily Oriental languages, Aramaic the soureth, Armenian, Turkish. He had taught at the School of biblical Jerusalem from 1893 to 1897. He had published books in soureth, folk songs, religious texts, poetry, and the Book of fables inspired by La Fontaine, published in 1896 ...
The songs he composed are still sung today. His book is its capital in soureth Grammar, published in 1912.
Also on soureth in 2008, two Frenchmen, Georges Bohas and Florence Hellot-Bellier, published a book, The Assyrians of Hakkari to Khabour. The book has two poems, a story in soureth and an interview with Yosep Zaya Tell Goran, describing the tragic events that struck Christians during the First World War.

Recently, a manual for teaching soureth was published by Professor Bruno Poissat, who teaches Eastern Languages Paris VIII.


III Studies and Research Syriacs
Scientists and researchers, attracted by the richness of Syriac Christianity, wanted to convey to the West this glorious past. Among the best known:

Jerome Labourt (1874-1957)
He was born in Paris, entered the seminary of Saint-Sulpice in 1890 and was ordained a priest in 1897. He obtained a doctorate in theology. He was appointed canon holder of Notre Dame de Paris in 1947. Jerome Labourt left many works. He published in Paris in 1904 thesis "Christianity in the Persian Empire under the Sasanian dynasty (224-632). This was the first book written in French on the Church of the East under Sasanians. In 1911 he published The odes of Solomon, a work of Christian 100-120 years., Translation in collaboration with P. Battiffol and historical introduction.

Cardinal Eugene Tisserant (1884-1972)
He was born in Nancy on 24 March 1884. In 1900 he entered the seminary in the city. Then he went to study at The School of Biblical Jerusalem, he learned the oriental languages. In 1936 he was appointed cardinal and became responsible for Eastern Churches. He wrote the great article titled "The Nestorian Church, 1931. Another article on the Syro-Malabar Church, and an article on the patriarch I Timothy.

Dauvillier Jean (Early twentieth century)
He was a law professor at Toulouse. He wrote an article to publicize the law of the Church of the East, the Chaldean Right in the Dictionary of Canon Law, 1942.
He also wrote a long article, Ebedjésus of Nisibis, 1944, which serve as a reference.
He wrote another article on the provinces of the Church of the East in the Middle Ages, under the title The Chaldean provinces outside of the Middle Ages, 1948.

Jean Maurice Fiey (1914-1995)
He was born in Armentieres. He entered the Dominican order and quickly, was sent on mission in Mosul (Iraq). There remained more than 35 years, using his time to study, write and publish on Christianity in Mesopotamia. It had the merit to discover the history, culture, the heritage of Syriacs to all Francophones. His books are numerous and high quality. Among the best known: Christian Mosul, Beirut, 1959; Assyrian Christian, 3 vols. Beirut, 1965 and 1968; Milestones for a history of the Church in Iraq, Louvain, 1970; Syriac Christians under the Mongols, Leuven, 1975; Directory dioceses Syriac eastern and western Beirut, 1993.

IV-The places of study in France

Some places in France welcome teachers and students wishing to study the language and Syriac heritage.
The College de France, rue des Ecoles, Paris, 75005.

A chair of Languages and Literatures Aramaic was created at the College de France in 1895, and occupied by Duval with distinction until 1907.

The pulpit, which was occupied by Javier Teixidor from 1996 to 2001, is now deleted.

The Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), 45 rue des Ecoles, Paris, 75005.

In 1927, François Nau obtained a teaching of Syriac at the Ecole Pratique des Hautes Etudes.

H. Hugonnard-Roche now teaches literature and philosophy Syriac.

The Catholic Institute of Paris, School of Oriental Languages old (ELOA), 21 rue d'Assas, 750,006.
Starting in 1890, François-Nicolas Nau taught for nearly 40 years of mathematics and astronomy at the Catholic Institute of Paris.

R. Graffin was commissioned in 1886 the price of the Syriac Catholic Institute, then taught Hebrew in 1893. In 1926, he reorganized the section of Eastern Languages.

Oriental languages Paris VIII, Asnieres sur Seine, 92.
The soureth is taught since 2007 by Professor Bruno Poissat.

The Society of Syriac studies
It was founded at the College de France in 2004. It has 120 members, orientalists, scholars and supporters of the Syriac culture. A symposium is held every year on a theme Syriac. Already four volumes were published: The Syriac inscriptions, The apocryphal Syriac, the liturgical Syriac, Greek Fathers in the Syriac tradition.

V-Researchers and specialists modern and contemporary

Can be estimated at around 231 quantities editions of Syriac texts and translations published to date in the Corpus Christianorum Sciptorum Orientalium, collection, which began in 1903, and several hundred the number of tests, studies, which these essays publications have resulted.

At the end of the nineteenth century and the first part of the twentieth century, it was men who discovered the church Syriac branch of the Church of the East, with its language, its heritage. Since then, the zeal of scholars, rather secular, often teachers or financed by the CNRS, has slowed point. Among them, many French. Here are their names:

F. Briquel Chatonnet, F. Cassingena-Trévedy, D. Cerbelaud, S. Courtois, Mr. Debie, A. Desreumaux, R. Draguet, D. Gonnet, F. Hellot-Bellier, R. Hespel, H. Hugonnard-Roche, F. and C. Jullien, L. Lenoir, J. Pierre, Tardieu, J. Teixidor, RM barrel, G. Flock, I. M. Vosti.

The French original Syriac took over: Joseph Jacob and Joseph Alichoran. As for me, Ephrem-Isa Yousif, for over 15 years, I tried to make available to the public francophone literary speaking of the Syriac culture. . My books: Perfume Sanate childhood, a Christian village in Kurdistan, Mesopotamia, a paradise of days old, the epic of the Tigris and the Euphrates, a chronic Mesopotamian. I have also published books of study: The Flowers philosophers Syriac, Syriac columnists, The Crusades told by the Syriacs, the vision of man in two Syriac philosophers.

In France, as can be seen, interest in Syriac culture is every day stronger and more important. The past thirty years of a community of Syriacs exceeding several thousand people belonging to commutates Assyrian-Chaldean, Syriac and Maronite added to this interest.


Mardin, October 2008

samedi 6 novembre 2010

Les Français et la culture syriaque




Tableaux synoptiques en syriaque se rapportant à l'Isagogè de Porphyre et à la Logique d'Aristote. Probablement seconde moitié du VIIe siècle. Copié en 1637 par Abraham Ecchellensis, d'après un manuscrit de la bibliothèque du Vatican. Manuscrit sur papier (66 feuillets, 16 x 21,5 cm).
BnF, Manuscrits, (Syriaque 248 fol. 8v-9)




I - Manuscrits syriaques

La première collection, quelque peu importante, de manuscrits syriaques réunis en Occident fut celle de Colbert, ministre de Louis XIV. Des représentants furent alors envoyés en Orient, comme le père Vansleb en 1671, pour acheter des manuscrits. À la mort du célèbre ministre en 1683, la collection comprenait 112 volumes.

La collection de Colbert fut acquise en 1732 par la Bibliothèque Royale, devenue aujourd'hui la Bibliothèque Nationale. Lors de la publication de son catalogue, en 1874, celle-ci possédait 174 volumes syriaques. De nouvelles acquisitions ont ensuite porté ce nombre à 288. En 1911, grâce à des copies, à des achats divers, le nombre des manuscrits s’élevait à 355 volumes. Il n’a cessé d’augmenter, il est aujourd’hui de 436 volumes, grâce à des achats, des legs. Ces textes proviennent de communautés religieuses de l’Orient Chrétien, melkite, maronite, syriaque orthodoxe et syriaque orientale, et même de l’Inde. De nombreux documents sont à caractère religieux, mais il y a aussi des dictionnaires, des grammaires, des ouvrages de philosophie et de science.

Les plus anciens manuscrits sont rédigés en estrangela. D’autres sont écrits en caractères syriaques, mais en langue arabe, le garshouni.



Bible. Ancien Testament et quelques feuillets du Nouveau Testament. Mésopotamie, VIe-VIIIe siècles. Parchemin.BNF, Manuscrits orientaux (Syriaque 341)
Un manuscrit syriaque 341, Paris BN, orné de belles enluminures, est d’un grand intérêt car il a été utilisé par l’Université de Leyde pour l’édition de la Peshitta. Il daterait selon les spécialistes d’iconographie du VIème siècle.

Remarquable est aussi le manuscrit 332, Collection des Synodes nestoriens, traduit et édité par J.B. Chabot en 1902 à Paris.

Le manuscrit 62 comprend la Didascalie des apôtres et la Doctrine d’Addaï.


II- Les pionniers

I) La langue syriaque classique

Rapidement des savants, des orientalistes français s’intéressèrent au riche patrimoine syriaque et se mirent à l’étudier et à le promouvoir.

Quatremère (1782-1857)
Etienne Quatremère fut incontestablement le plus savant orientaliste de sa génération. Le premier en France il comprit et signala l'importance des littératures araméennes pour la connaissance de la civilisation orientale. Son Mémoire sur les Nabatéens publié en 1835 dans le Journal Asiatique, est un modèle de critique et d'érudition. Le projet de dictionnaire syriaque qu'il avait mûri et préparé par un immense travail, en dépouillant de nombreux manuscrits et textes imprimés répondait dans sa pensée à la nécessité de faciliter l'étude de cette langue "qui mérite à coup sûr, disait-il, et d'une manière particulière, l'attention des amateurs de la littérature orientale".

Payne Smith. 
Il a réalisé le projet de dictionnaire syriaque, le Thésaurus syriacus, et a voulu rendre hommage à son devancier Etienne Quatremère, en utilisant ses fiches et en inscrivant son nom au frontispice de cette magistrale publication, fruit de trente-six années d'un labeur assidu.

P.J. Brun. 
Son Dictionarium syriaco-latinum, publié en 1895, est un abrégé pratique du Thésaurus, qui rend les plus grands services aux débutants, munis aujourd'hui d'instruments de travail qui ont fait défaut à leurs aînés.


Ernest Renan (1823-1892), qui connaissait le syriaque, fut un des premiers à exploiter les richesses des manuscrits syriaques du British Muséum. Il en signalait l’importance dans sa lettre à M. Reinaud. Renan complétait alors ses recherches sur la philosophie d'Averroès. L'examen des manuscrits lui révéla que toute la philosophie arabe procédait des oeuvres d'Aristote par l'intermédiaire des Syriaques, et il développa cette idée dans sa thèse De Philosophia peripathética apud Syros . Il eut le mérite de mettre en évidence l'importance des traductions syriaques d'oeuvres grecques pour l'histoire des sciences.

L’abbé Paulin Martin. (1840-1890). 
Un homme tout dévoué aux études syriaques fut l'abbé Paulin Martin. Sa persévérance était méritoire. Le Journal Asiatique lui ouvrit ses pages ; il y publia plusieurs travaux : Jacques d'Edesse et les voyelles syriennes ; La Massore chez les Syriens (1869) ; Essai sur les deux principaux dialectes araméens (1872), Histoire de la Ponctuation (1875), l'Hexaméron de Jacques d'Édesse (1888). L’abbé Paulin Martin présenta, par manque de moyens, à une collection étrangère sa Chronique de Josué le Stylite (Leipzig, 1876) et sa Métrique chez les Syriens (ibid., 1879). Il fut réduit à autographier la Lettre de Jacques d'Édesse sur l'orthographe (1869) et l'importante édition des Oeuvres grammaticales de Barhébraéus (1872).

Les orientalistes ne rencontrent plus pareille difficulté. La Patrologia Orientalis et surtout le Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, publié par les Universités de Washington et de Louvain, leur offrent l'assurance de ne pas préparer en vain leurs publications. Depuis 1903 le C.S.C.O. a fait paraître de nombreux volumes de textes ou de traductions syriaques, des centaines d’essais, des études, des dissertations.

Paul-Rubens Duval (1839-1911)
De tous les orientalistes français, Paul-Rubens Duval est celui qui a le plus contribué au développement des études araméennes syriaques. Il fut le collaborateur infatigable du Journal Asiatique dont il était devenu membre depuis 1879, puis bibliothécaire et secrétaire adjoint, gérant, et vice président en 1908. Il laissa de nombreux travaux. Il écrivit une vingtaine d'articles et une centaine de notices bibliographiques. Ses éditions de textes : Testament de Saint Ephrem, Épitres d'Ishoyahb III, Homéliae cathédrales de Sévère d'Antioche, 1908, Alchimie Syriaque, son Traité de Grammaire Syriaque, 1881, ses Traités d’alchimie syriaque, 1893, et sa Littérature syriaque, 1899 témoignent de son activité laborieuse.

Parmi ses autres travaux, signalons son Histoire politique, religieuse et littéraire d’Édesse jusqu’à la première croisade, 1892 et surtout son édition du Lexicon syriacum auctore hassano Bar Bahloul 1888-1900.

Rappelons toutefois que sa Littérature syriaque a connu trois éditions en sept ans : preuve évidente du progrès que ces études avaient réalisé en France ; études qui obtinrent alors, à juste titre, une place dans l'enseignement officiel. Une chaire de Langues et littératures araméennes fut créée au Collège de France en 1895, et occupée avec distinction par Duval jusqu'en 1907.

René Léger Graffin (1858-1941)
Un autre maître éminent, Graffin, vit le jour à Ste-Radegonde-en-Touraine (Indre et Loire.). Il alla étudier au séminaire français de Rome. Ordonné prêtre en 1884, il fut reçu docteur en théologie l’année suivante. Il se rendit à l’université d’Innsbrück pour étudier les langues orientales. Revenu à Paris, il fut chargé en 1886 du cours de syriaque à l’Institut catholique, puis il y enseigna l’hébreu en 1893. En 1926, il réorganisa la section des Langues orientales.

Nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1897, directeur de la Revue de l’Orient chrétien. Il est connu pour avoir fait paraître de 1894 à 1927 la Patrologia Syriaca (3 vol.) et à partir de 1903, la Patrologia Orientalis (25 vol.), collection de textes orientaux ayant trait à la littérature chrétienne.

Son neveu François Graffin suivit ses traces et publia plusieurs ouvrages et articles sur la culture syriaque.

Jean-Baptiste Chabot (1860- 1949)
Il naquit à Vouvray (Indre et Loire) le 16 février 1860, d’une famille de vignerons. Il fit ses études au séminaire de Tours, apprit le grec. Ordonné prêtre en 1885, il partit en 1887 pour l’Université de Louvain, en Belgique, où il termina ses études. Il reçut en 1992 le titre de docteur et maître en théologie pour son étude sur Isaac de Ninive.

Chabot revint à Paris, étudia le syriaque à l’École des Hautes-Études. Il assura à plusieurs reprises, à la demande de Rubens Duval, la suppléance de la chaire de langue et de littérature araméenne au Collège de France. Il prépara, sous la direction du vieux maître, la publication de la Chronique de Denys de Tell Mahré, et fut nommé élève diplômé de l’École des Hautes-Études. Il collabora assidûment au Journal asiatique, à la Revue archéologique.

Chabot voyagea en Palestine. Il fut envoyé en mission en Orient, et fit une découverte capitale dans l’église syriaque-orthodoxe d’Urfa (Édesse) : la Chronique de Michel le Syrien, texte du XIIème siècle. Il le publia en 1899-1904 puis le traduisit en français.

Chabot travailla pendant plus d’un demi-siècle à son œuvre scientifique. En plus de la Chronique de Michel le Syrien, il laissa de nombreux ouvrages, comme l’Histoire de Mar Yabalaha III et du moine Rabban Çauma, le Synodicon orientale de l’Église de l’Orient, la Littérature syriaque, les Langues et littératures araméennes, l’Hexaméron de Jacques d’Édesse, la Légende de Mar Bassus.

Chabot mourut à l’âge avancé de 89 ans. Il avait rendu un service immense à la culture syriaque, en mettant à la disposition du public français les grands textes de ce peuple.

François-Nicolas Nau (1864-1931)

François-Nicolas Nau, mathématicien, grand orientaliste, syriacisant, vit le jour à Thil (Moselle), le 13 mai 1864, il était l'aîné d’une famille de cinq enfants. Après avoir fréquenté l'école primaire de Longwy jusqu'en 1878, il entra au petit séminaire Notre-Dame des Champs à Paris, puis au Grand Séminaire de Saint-Sulpice en 1882. Il obtint son baccalauréat de Théologie de Droit canon. Le 17 décembre 1887, il fut ordonné prêtre du diocèse de Paris.

F.N. Nau étudia ensuite les mathématiques et les Sciences Naturelles, puis, à partir de 1889 le syriaque. En 1895 il obtint le diplôme de l'École des Hautes-Études de Paris en publiant (texte syriaque et traduction française) un traité d'astronomie de Bar Hebraeus (1279).En 1897 il fut élevé au rang de Docteur-ès-sciences.

En 1899 il fonda avec René Graffin (1858-1941) la collection "Patrologia Orientalis", qui était destinée à compléter les Patrologies Grecques et Latines de Migne.

A compter de 1890, Nau enseigna pendant près de 40 ans les mathématiques et l'astronomie à l’Institut catholique de Paris.

En 1927 il obtint un enseignement du syriaque à l'École des Hautes-Études.

En 1928 il devint doyen de l'École des Sciences. Il publia de nombreux articles et ouvrages scientifiques, et des textes syriaques inédits. La liste de ses publications (Journal asiatique n°233) comprend plus de 250 ouvrages. En voici quelques uns :

-Une biographie inédite de Bardesane l'astrologue (154-222), tirée de l'Histoire de Michel le Grand, patriarche d'Antioche (1126-1199), 1897;
-Bardesane l'astrologue. Le Livre des lois des pays. Texte syriaque et traduction française, 1899.
-Le Livre de l'ascension de l'esprit sur la forme du ciel et de la terre. Cours d'astronomie rédigé en 1279 par Grégoire Aboulfarag, dit Bar Hebraeus, Ire partie: Texte syriaque, 1899; II e partie: Traduction française, 1900 (BEHE 121);
-Recueil de monographies. I. Histoires d'Ahoudemmeh et de Marouta, métropolitains jacobites de Tagrit et de l'Orient (VIe et VIIe siècles), suivies du traité d'Ahoudemmeh sur l'homme. Textes syriaques inédits publiés, traduits et annotés, in: PO 3, 1905, 1-120; Lettres choisies de Jacques d'Édesse, publiées et traduites, 1906; Ancienne littérature canonique syriaque, fasc. II. Les canons et les résolutions canoniques de Rabboula, Jean de Tella, Cyriaque d'Amid, Jacques d'Édesse, Georges des Arabes, Cyriaque d'Antioche, Jean III, Théodose d'Antioche et des Perses, traduits pour la première fois en français, 1906;
-Documents pour l'étude de la Bible. Histoire et Sagesse d'Açikar l'Assyrien (fils d'Anaël, neveu de Tobie). Traduction des versions syriaques avec les principales différences des versions arabe, arménienne, grecque, néo-syriaque, slave et roumaine, 1909;
-Ancienne littérature canonique syriaque, fasc. I. La Didascalie des douze apôtres, traduite du syriaque pour la première fois. Deuxième édition revue et augmentée de la traduction de la Didachê des douze apôtres, de la Didascalie de l'apôtre Adaï et des empêchements de mariage (pseudo-) apostoliques, 1912 (1. Aufl. 1902);
-Documents pour servir à l'histoire de l'Église nestorienne. La première partie de l'Histoire de Barçadbešabba `Arbaïa. Texte syriaque édité et traduit, in: PO 23, 1932, 177-343.

2) Le Soureth (syriaque moderne)

Les Lazaristes
Les communautés qui parlaient le syriaque, au cours de leur histoire, donnèrent naissance à un nouveau dialecte, le soureth. Les Orientalistes français s’y intéressèrent. Les Missionnaires Lazaristes français d’Ourmiah publièrent en 1877 le Nouveau Testament en syriaque.

Il est à signaler que Rubens Duval avait publié en 1883 des notes sur le dialecte de Salmas (Perse) et en 1896 d’autres notes sur .les dialectes néo-araméens.

Les Dominicains
Les Dominicains français installés à Mossoul s’intéressèrent au soureth des chrétiens qui vivaient dans la plaine de Ninive et au nord du pays. Le plus connu fut le père Jacques Rhétoré (1841-1921 ).

Il était né en 1841 à la Charité Sur-Loire, son père était un modeste sabotier. Il entra au séminaire en 1859, devint dominicain, et rejoignit en 1874 la mission de Mossoul. Il fut rattaché au couvent de Mar Yaco, entre Dohuk et Alqoche. Là, il commença à étudier l’araméen et le soureth. Vers 1902, il s’installa à Achitha, gros village nestorien du Hakkâri, pour convertir les nestoriens. En 1915, pendant la Première Guerre mondiale, il fut pris en otage à Mossoul par les Turcs et déporté à Mardin où il assista au massacre des chrétiens. Il mourut à Mossoul le 12 mars 1921.

Le père Rhétoré avait appris facilement les langues orientales, l’araméen, le soureth, l’arménien, le turc. Il avait enseigné à l’École biblique de Jérusalem de 1893 à 1897. Il avait publié des ouvrages en soureth, chants populaires, textes religieux, poèmes, et le Livre des fables, inspiré de La Fontaine, paru en 1896...
Les cantiques qu’il avait composés sont encore chantés aujourd’hui. Son ouvrage capital reste sa Grammaire en soureth, publiée en 1912.

Toujours au sujet du soureth, en 2008, deux Français, Georges Bohas et Florence Hellot-Bellier, ont publié un livre, Les Assyriens du Hakkari au Khabour. L’ouvrage présente deux poèmes, un récit en soureth et un entretien avec Yosep Zaya de Tell Goran, relatant les événements tragiques qui frappèrent les chrétiens lors de la Première guerre mondiale.

Récemment, un manuel d’enseignement de la langue soureth a été publié par le professeur Bruno Poissat, qui enseigne aux Langues orientales Paris VIII.

III- Études et recherches sur les Syriaques

Des savants et des chercheurs, attirés par la richesse du christianisme syriaque, voulurent transmettre à l’Occident ce passé glorieux. Citons les plus connus :

Jérôme Labourt (1874-1957)
Il naquit à Paris, entra au séminaire de Saint-Sulpice, en 1890, et fut ordonné prêtre en 1897. Il obtint un doctorat de Théologie. Il fut nommé chanoine titulaire de Notre Dame de Paris en 1947. Jérôme Labourt laissa de nombreux travaux. Il publia à Paris en 1904 une thèse « Le Christianisme dans l’empire perse sous la dynastie sassanide (224-632) ». Ce fut le premier ouvrage écrit en français sur l’Église de l’Orient sous les Sassanides. En 1911, il publia Les odes de Salomon, une œuvre chrétienne de l’année 100-120., traduction en collaboration avec P. Battiffol et introduction historique.

Le cardinal Eugène Tisserant (1884-1972)
Il vint au monde à Nancy le 24 mars 1884. En 1900, il entra au séminaire de la ville. Puis il alla étudier à L’École biblique de Jérusalem, il apprit les langues orientales. En 1936, il fut nommé cardinal et devint responsable des Églises orientales. Il écrivit le grand article intitulé « L’Église nestorienne », 1931. Un autre article sur l’Église syro-malabare, et un article sur le patriarche Timothée Ier.

Dauvillier Jean (Début XXème siècle)
Il fut professeur de droit à Toulouse. Il écrivit un article pour faire connaître le droit de l’Église de l’Orient, le Droit Chaldéen, dans le Dictionnaire de droit canonique, 1942.

Il rédigea aussi un long article, Ebedjésus de Nisibe, 1944, qui sert encore de référence.

Il écrivit un autre article sur les provinces de l’église de l’Orient au Moyen-âge, sous le titre Les provinces chaldéennes de l’extérieur au Moyen- âge, 1948.

Jean Maurice Fiey (1914-1995)
Il naquit à Armentières. Il entra dans l’ordre des Dominicains et rapidement, fut envoyé en mission à Mossoul (Irak). Il y resta plus de 35 ans, employant son temps à étudier, à écrire et à publier sur le Christianisme de la Mésopotamie. Il eut le mérite de faire découvrir l’histoire, la culture, le patrimoine des Syriaques à tous les francophones. Ses ouvrages sont nombreux et de grande qualité. Citons les plus connus : Mossoul chrétienne, Beyrouth, 1959 ; Assyrie Chrétienne, 3 vol. Beyrouth, 1965 et 1968 ; Jalons pour une histoire de l’Église en Irak, Louvain, 1970 ; Chrétiens syriaques sous les Mongols, Louvain, 1975 ; Répertoire des diocèses syriaques orientaux et occidentaux, Beyrouth, 1993.

IV- Les lieux d’études en France
Quelques lieux en France accueillent enseignants et élèves désireux d’étudier la langue et le patrimoine syriaques.

Le collège de France, rue des Écoles, Paris, 75005.

Une chaire de Langues et littératures araméennes fut crée au Collège de France en 1895, et occupée avec distinction par Duval jusqu'en 1907.

La chaire, qui fut occupée par Javier Teixidor de 1996 à 2001, est aujourd'hui supprimée.

L'École Pratique des Hautes Études (EPHE), 45 rue des Écoles, Paris, 75005.

En 1927, François Nau obtint un enseignement du Syriaque à l'École Pratique des Hautes Études.

H. Hugonnard-Roche y enseigne aujourd’hui la littérature et la philosophie syriaques.

L’Institut catholique de Paris, École des langues orientales anciennes (ELOA), 21 rue d’Assas, 750006.
A compter de 1890, François-Nicolas Nau enseigna pendant près de 40 ans les mathématiques et l'astronomie à l’Institut catholique de Paris.

R. Graffin fut chargé en 1886 du cours de syriaque à l’Institut catholique, puis il y enseigna l’hébreu en 1893. En 1926, il réorganisa la section des Langues orientales.

Langues orientales Paris VIII, Asnières sur Seine, 92.

Le soureth y est enseigné depuis 2007 par le professeur Bruno Poissat.

La Société des études syriaques
Elle fut fondée au Collège de France en 2004. Elle compte 120 membres, orientalistes, spécialistes et sympathisants de la culture syriaque. Un colloque se tient chaque année sur un thème syriaque. Déjà quatre volumes ont été publiés : Les inscriptions syriaques, Les apocryphes syriaques, Les liturgies syriaques, Les Pères grecs dans la tradition syriaque.

V- Les chercheurs et spécialistes modernes et contemporains

On peut évaluer à près de 231 volumes les éditions de textes syriaques et traductions publiées jusqu'à ce jour dans le Corpus Sciptorum Christianorum Orientalium, collection qui démarra en 1903, et à plusieurs centaines le nombre des essais, des études, des dissertations auxquelles ces publications ont donné lieu.

À la fin du XIXème siècle et dans la première partie du XXème siècle, ce furent des hommes d’église qui découvrirent la branche syriaque de l’Église de l’Orient, avec sa langue, son patrimoine. Depuis lors, le zèle des érudits, plutôt laïcs, souvent enseignants ou financés par le CNRS, ne s'est point ralenti. Parmi eux, de nombreux Français. Voici leurs noms :

F. Briquel Chatonnet, F. Cassingena-Trévedy, D.Cerbelaud, S.Courtois, M. Debié, A. Desreumaux, R.Draguet, D.Gonnet, F. Hellot-Bellier, R. Hespel, H. Hugonnard-Roche, F. et C. Jullien, L. Lenoir, M.J. Pierre, Tardieu, J.Teixidor, R.M. Tonneau, G. Troupeau, I.M.Vosté et autres.

Des Français d’origine syriaque ont pris la relève : Joseph Yacoub et Joseph Alichoran. Quant à moi, Ephrem-Isa Yousif, depuis plus de 15 ans, j’ai essayé de mettre à la disposition du public francophone des écrits littéraires qui parlent de la culture syriaque. 


Parfums d’enfance à Sanate, un village chrétien au Kurdistan, Mésopotamie, paradis des jours anciens, l’Épopée du Tigre et de l’Euphrate, Une chronique mésopotamienne

J’ai publié aussi des ouvrages d’études : La Floraison des philosophes syriaques, Les Chroniqueurs syriaques, Les croisades racontées par les Syriaques, La vision de l’homme chez deux philosophes syriaques.

En France, comme l’on peut le remarquer, l’intérêt porté à la culture syriaque est de jour en jour plus fort et plus important. La présence depuis une trentaine d’années d’une communauté de Syriaques qui dépasse plusieurs milliers de personnes, appartenant à des communautés assyro-chaldéennes, syriaques et maronites a ajouté à cet intérêt.

Conférence présentée aux 4 IVème congres de la langue syriaque à Mardin en Turquie, octobre 2008.

lundi 1 novembre 2010

Ma visite aux Yézidis du nord de l’Irak



Un premier Congrès mondial se déroula à Erbil du 6 au 9 septembre 2006 sur la Kurdologie. J’eus l’honneur d’y participer. J’y fis un exposé sur deux brillantes dynasties kurdes : les Marwanides de Mayafarikin (990-1085) et les ‘Ayubides de la Djazira, gouvernés par Malik al-Ashraf (+1237). Les chroniqueurs syriaques soulignaient leur tolérance envers les chrétiens syriaques. Lors de ce congrès, trois conférences furent données sur les Yézidis, leur religion et leur culture. L’une d’elle attira particulièrement mon attention, celle du professeur yézidi Khalil Jindi, qui vit en Allemagne. Il parla des intellectuels yézidis qui redécouvraient leur histoire. Ils ne voulaient plus laisser à ceux qui n’étaient pas de leur communauté la charge de la rédiger à leur place. Ils écrivaient des livres et des articles, qui livraient aux lecteurs une connaissance du Yézidisme plus objective et plus vraie, loin des fictions et stéréotypes.

Les origines du Yézidisme sont très anciennes au Moyen Orient. Ce mot pourrait venir des mots persans ized, yezdan, « Ange-Dieu » ou azata « être digne de vénération.»

On estime aujourd’hui que les Yézidis sont environ 500 000 individus. La plupart vivent au nord de la Mésopotamie, et près de Mossoul, au Kurdistan irakien. Les Yézidis parlent le kurde, sauf dans les villages de Bashika et Bahazane, au nord de l’Irak où ils emploient l’arabe. Des communautés résident en Turquie, en Syrie, en Géorgie, en Arménie, en Iran, en Europe.

La visite du centre culturel

J’eus le vif désir d’aller visiter les hauts lieux des Yézidis, au Kurdistan irakien. À la fin septembre 2006, je fis un bref séjour à Zakho, la ville dont je suis originaire. Zakho est située à 120 kilomètres au nord de Mossoul, non loin de la frontière turque. Accompagné de mon frère Brika, je me rendis un jour au grand hôtel Sipan, qui appartenait au Cheikh Khairy. Avec son frère aîné Shamo, chef religieux, ils étaient les grands Cheikhs yézidis de la grande tribu des Haweri. C’était un ami de la famille.

Je m’attendais à voir un vieux cheikh avec une longue barbe et un turban sur la tête. J’aperçus un bel homme d’affaires, âgé d’une quarantaine d’années, aux cheveux marron clair, au teint blanc, à l’allure dynamique et distinguée. Cheikh Khairy portait avec élégance un costume occidental.

Nous bavardâmes agréablement, puis nous montâmes dans deux voitures et partîmes visiter le centre culturel des Yézidis à Dohuk. C’est une ville située entre les chaînes de montagne Bekher et Shndokha, à une cinquantaine de kilomètres de Zakho. À notre arrivée au centre, nous fûmes accueillis sur le seuil par le directeur Saïd Sallo et tout le personnel. Ils embrassèrent Cheikh Khairy, nous serrèrent la main, et nous firent entrer dans une galerie-musée, décorée de photos, évoquant les grands événements politiques et religieux de leur histoire.

Puis nous allâmes voir la bibliothèque, riche de nombreux ouvrages et revues. Le directeur me présenta avec fierté un magazine culturel, trimestriel, illustré, intitulé Lalish, rédigé en kurde, en arabe et en anglais. C’était le numéro 24, du mois de mai 2006. Je le feuilletais attentivement, et trouvai que c’était un magazine de qualité et de bon niveau.

Un autre journal bi-mensuel, La voix de Lalish, donnait des informations sur les activités culturelles et religieuses de la communauté yézidie.

Le directeur nous parla aussi des activités multiples du centre. L’on y organisait régulièrement des expositions artistiques, des conférences sur les rapports de la communauté yézidie avec les peuples d’autres communautés et religions, comme les chrétiens et les musulmans. L’on y éditait le calendrier de l’année religieuse et civile des Yézidis.

Le centre accueillait les diverses délégations qui arrivaient de partout, d’Arménie, des Républiques caucasiennes, d’Europe.

Il servait de lieu d’étude et de recherche pour les étudiants.

Le responsable du service informatique nous entretint avec passion du nouveau site intitulé www. lalishduhok.org, qui venait d’être inauguré officiellement. Ce site servirait de canal d’information pour les Yézidis et leurs amis dans le monde entier.

Après cette visite complète du centre, nous nous reposâmes dans le bureau du directeur Said Sallo, entouré de toute son équipe, et prîmes un bon thé. Nous discutâmes fort longtemps sur les rapports cordiaux qui existaient entre le peuple assyro-chaldéen-syriaque et les Yézidis, deux groupes minoritaires établis dans le nord de l’Irak depuis l’antiquité.

Modernisation

Les gouvernements successifs de l’Irak, soucieux d’uniformiser leur pays, adoptèrent souvent une attitude agressive à l’égard des Yézidis. Ils déclenchèrent quelques persécutions contre eux, qui résultaient de la méfiance et de la mésentente. Les Yézidis résistèrent, mais se replièrent sur eux-mêmes, essayant désespérément de garder leur foi et leurs traditions. La pauvreté rôdait autour de leurs communautés, résultant de l’ignorance et du manque d’éducation. Cependant, ils comprirent que pour survivre, il fallait se moderniser, rattraper l’âge de la connaissance et du progrès. Dès l’an 1933, des écoles primaires furent ouvertes au Sindjar et au Cheikhan, mais elles furent fermées en 1934-35 par le gouvernement de Bagdad, lors de la révolte des tribus contre le service militaire, puis ouvertes à nouveau en 1936, après la fin de la rébellion. Vers 1960, des familles poussèrent leurs enfants à poursuivre des études supérieures à l’université. Hélas, le climat de la dictature baassiste, qui prit ensuite le pouvoir en 1968, ne permit pas aux jeunes de continuer leurs études supérieures et de faire évoluer autant qu’ils le souhaitaient leurs communautés.

Il fallut attendre 1991 pour que les Yézidis retrouvent une certaine paix et liberté. Après la guerre du Golfe, les trois départements du nord du Kurdistan, Dohuk, Erbil, Soulemayia passèrent en effet sous la protection des Américains. Les Kurdes, considérant les Yézidis comme une ethnie kurde, leur donnèrent une certaine possibilité de pratiquer librement leur religion et de promouvoir leur patrimoine et leur culture. Pour la première fois de leur histoire, ils purent créer à Dohuk leur propre centre culturel, ajoutant à leur identité un élément d’éducation et de modernisation qui leur avait été refusé sous les régimes répressifs précédents.

Après 2003, et la chute du régime de Saddam Hussein, afin de donner une impulsion au peuple yézidi, 10 autres centres culturels, dépendant de celui de Dohuk, furent créés dans les villes et villages du Kurdistan, à Baadri, à Sindjar, à Cheikhan, à Bashika etc…. Ils furent dotés de bibliothèques, de salles de conférences, d’équipements.

Cinquante ans après, le voyage vers le tombeau de Cheikh Adi

Toujours accompagnés de Cheikh Khairy, mon frère et moi nous remontâmes en voiture et prîmes la direction de Lalish, à une centaine de kilomètres de Dohuk. Lalish, entouré de trois montagnes, est le centre du monde, un centre de culte majeur et symbolique pour les Yézidis, qui y viennent en pèlerinage, car il contient le tombeau du fameux Sheikh Adi ibn Mustafa, le grand chef religieux des Yézidis.

Selon les érudits, Sheikh Adi vécut au début du douzième siècle. Il vint à Bagdad, étudia la théologie. Puis il se retira dans la vallée de Lalish. Le jeune mystique s’isola dans ses méditations spirituelles au cœur de la montagne, vécut dans la pauvreté, et attira des disciples. Il mourut en 1162, mais son culte ne cessa de grandir. Son tombeau devint un haut lieu rayonnant de foi, attirant les pèlerins.

Nous traversâmes la ville de Cheikhan, une sous-préfecture habitée par une majorité de Yézidis. Nous aperçûmes une église, une mosquée, un temple blanc et cannelé. Les trois religions, musulmane, chrétienne, yézidie s’y côtoyaient en paix.

Quelques kilomètres plus loin, nous arrivâmes dans une vallée étroite, luxuriante et belle, plantée de figuiers, de grenadiers, de mûriers, que traversait un cours d’eau. Un ancien temple, dédié à Cheikh Adi, surmonté de deux grands cônes blancs, et d’un cône plus petit se détachait lumineusement sur la montagne plantée de chênes et autres arbres et arbustes. Nous franchîmes un portail, garâmes les voitures dans une longue cour extérieure, bordée de bâtiments.

Des membres du clergé, coiffés de turbans blancs, vêtus de tuniques et de pantalons blancs, serrés aux chevilles, pieds nus, pour être en contact avec la terre, vinrent embrasser respectueusement Cheikh Khairy et nous saluer. Un jeune garçon s’approcha de nous, nous pria de nous déchausser et prit nos souliers. Nous pénétrâmes dans une deuxième cour intérieure.

Là, se dressait le temple. Au-dessus de la porte, deux paons sculptés veillaient. Sur le côté droit, un serpent noir, long de deux mètres, se dressait sur sa queue. Des symboles anciens, soleils, lunes, étoiles, fleurs ornaient les pierres.

Des souvenirs me submergèrent. Il y a cinquante ans- j’étais alors élève à Mossoul- j’avais visité le sanctuaire avec mes maîtres et mes camarades.

Le temple avait été restauré. De nouvelles constructions s’élevaient. J’entendis la voix de Cheikh Khairy qui nous priait d’enjamber le seuil, espace sacré, intouchable. Seul Cheikh Adi avait eu le droit d’y poser le pied.

Nous entrâmes dans une vaste galerie de 30 mètres sur 12, décorée de lampes, coupée par une colonnade de 7 hautes arcades. Une délicieuse fraîcheur y régnait. Des pèlerins avaient attaché des tissus rouges, verts, mauves autour des colonnes. Ils y avaient fait des nœuds pour la réalisation de leurs vœux.



Une autre pièce du sanctuaire contenait des dizaines de jarres d’huile, de toutes tailles. Une petite lampe brillait en dégageant une fumée légère ; sa flamme ne devait jamais s’éteindre. Des salles plus petites abritaient les cénotaphes d’anciens cheikhs.

Nous gagnâmes par une antichambre latérale le saint des saints, le tombeau de Cheikh Adi, un haut sarcophage recouvert d’une draperie rose, multicolore, garnie de glands, de franges. Cheikh Khairy nous pria de tourner avec lui cinq fois autour. Nous saisîmes de nos doigts les franges, les nouâmes et fîmes un vœu. Mon vœu était la paix et la prospérité au Kurdistan fédéral. Nous revînmes vers l’entrée, et nous collâmes notre dos à la paroi d’une niche, et nous refîmes un souhait plus personnel.

Puis nous descendîmes par un escalier étroit et sombre, dans une petite salle. Au centre, il y avait un bassin, alimenté par une source qui sortait de la montagne. Les pèlerins qui venaient là s’aspergeaient d’eau sacrée.

Nous ressortîmes à l’air libre et chaud. Dans la cour de réception, couverte à l’ouest, nous saluâmes d’autres Yézidis habillés de blanc ou en costumes kurdes. Ils nous convièrent à un copieux repas, composé de viande de mouton, de riz, de concombres, de tomates, de fromages. Tous les hommes mangeaient, debout devant des tréteaux garnis de victuailles, les pieds nus. Sur le mur, un grand paon multicolore, dessiné quelques années auparavant par un peintre yézidi, faisait la roue, représentant Tawûsê Melek, le plus puissant et le plus noble des anges. Je pensai que dans de nombreuses traditions, le paon était un symbole solaire, un symbole de beauté, de paix, de prospérité, d’immortalité ; sa queue déployée symbolisait le déploiement cosmique de l’Esprit.1

L’Ange-Paon, la perle et l’illumination

Au moment du thé qui terminait le repas, j’interrogeai sur divers points un cheikh au visage olivâtre.
-Pouvez-vous me dire combien de plis il y a sur les cônes du temple ?
–Vingt-quatre, me répondit-il lentement, correspondant aux vingt-quatre heures de la journée. Quant au cône, il symbolise la terre touchant le ciel.
Un autre cheikh, grand et mince, me parla de sa religion et de la doctrine fondamentale des Yézidis. Il essaya de répondre avec ferveur à toutes mes questions. Je donne ici une synthèse de sa pensée.

La religion yézidie est une religion monothéiste, syncrétique, de tradition savante et populaire, où se mêlent apparemment des éléments soufis, et des éléments venus de la Haute Mésopotamie et de l’Iran, très anciens. Elle est riche en symboles et en poésie, et ses fidèles y sont très attachés. Les Yézidis croient en un Dieu unique et bon. Ils ont deux livres sacrés, Misehfa Resh (Livre noir) et Kitba Cilwe (Livre de l’Illumination). Plusieurs récits cosmogoniques entrecroisent leurs fils dans l’étoffe de la doctrine yézidie.
Le récit de la Création, selon le Mishefa Resh, diffère de celui des chrétiens et des musulmans. En premier, un Dieu tout puissant créa sept anges. Il façonna le monde comme une grosse perle blanche, pure et précieuse, symbole de l’illumination. Le monde resta ainsi pendant 40 0000 ans, chiffre magique. Puis Dieu brisa la perle dont les éclats formèrent la terre, le ciel, la mer. Il créa les animaux, les plantes. Puis Il pétrit avec de l’argile le corps d’Adam, souffla sur lui, et lui donna une âme.

Un autre récit raconte que Dieu créa Tawûsê Melek de sa propre illumination, et ensuite sept anges. Il ordonna à Tawûsê Melek et aux anges d’apporter de la terre, de l’eau, du feu, de pétrir le corps d’Adam. Il lui donna la vie, lui insuffla une âme. Il demanda aux anges de se prosterner devant Adam. Tous obéirent sauf Tawûsê Melek. Dieu l’interrogea sur son refus. Il lui répondit qu’il n’adorait que Dieu seul. Il ne rendait hommage qu’à L’Unique. Ainsi, lui, Tawûsê Melek ne pouvait se prosterner devant Adam qui n’était pas son semblable. Il n’était pas né de la poussière, comme l’homme, mais d’une illumination divine. Alors Dieu qui l’avait éprouvé, le loua et en fit le chef des anges et son représentant sur la face de la terre.

Deux principes dominent la religion yézidie, la pureté spirituelle, la croyance en la métempsycose. Les saints se réincarnent périodiquement sous forme humaine. Les autres peuvent se réincarner sous formes d’animaux.

Dans le passé, des musulmans, se basant sur le Coran, le Livre saint de l’Islam, reprochèrent aux Yézidis de n’être pas des Gens du Livre, comme les juifs et les chrétiens, qui avaient le statut officiel de dhimmis. Parfois, ils ne purent établir avec eux de bonnes relations et se montrèrent intolérants.
La communauté yézidie n’a rien à voir avec une secte satanique, ni avec ses rituels, comme on l’a parfois raconté. Le serpent représenté à la porte du temple n’est pas un symbole du mal, mais de régénération. Tawûsê Malek n’est pas un ange déchu, une source de mal. C’est un démiurge issu d’une illumination de Dieu, et selon des récits, le créateur du monde matériel. Les Yézidis pensent que le bien et le mal existent dans l’esprit et le cœur des hommes. Il dépend d’eux de faire le bon choix. Leur dévotion envers Tawûsê Malek, le puissant Ange-Paon, le Sage, peut les guider. Dieu lui ayant donné le choix entre le bien et le mal, il choisit le bien.

Les anges, qui vivent au-delà des étoiles, possèdent une nature sublime. Ils connaissent dans une lumière qui est au-dessus du temps, éternelle. Ils sont les auxiliaires de Dieu. Ils exercent un rôle d’illumination et de protection auprès des hommes.

« Tout ange est terrible », écrivait dans ses célèbres élégies le poète autrichien Rainer Maria Rilke ( 1875-1926). Tawûsê Melek envoie bénédictions et infortunes comme il veut, il est inconvenant de le questionner. Il a une grande influence sur le monde et le fait aller.

Une société bien structurée

La société yézidie est bien organisée religieusement, hiérarchisée. Au sommet, se tient l’émir ou prince, chef séculier, héréditaire, de la communauté, descendant de Cheikh Adi et hériter d’Abraham. Puis viennent le Papa Cheikh, deuxième personnage, qui dirige la hiérarchie religieuse, les cheikhs, chefs religieux des clans yézidis. Il y a ensuite les pirs, délégués religieux, les qawals, musiciens, prédicateurs, les faqirs, sortes d’ascètes qui entretiennent le tombeau de Cheikh Adi et les édifices sacrés, et les mûrids, les disciples. Chaque tribu observe cette hiérarchie, et toutes obéissent au grand émir du Cheikhan.

Les fêtes

La fête du Nouvel an, fête de la Création du monde, commence le premier mercredi du mois d’avril, selon le calendrier Julien, avec musique, danses, œufs peints, repas. Les Yézidis boivent de l’alcool, qui n’est pas prohibé. Ils croient que Tawûsê Melek descend sur terre ce jour-là, jour où Dieu le créa.
Dans l’empire assyrien, le roi et le peuple célébraient joyeusement à cette époque la fête de l’Akitu, du Nouvel an.

Une deuxième fête agrémente le calendrier yézidi. La fête de l’Assemblée, Cejna Cemaiya est célébrée pour commémorer la mort de Cheikh Adi en 1162, et pour affirmer l’identité yézidie. Elle dure sept jours. Les fidèles viennent de partout, ils allument des centaines de lampes sur les tombeaux de Cheikh Adi et des autres saints. Ils célèbrent l’arrivée prochaine de l’automne, du 23 du mois d’Elul au Ier de Tishrei (septembre).

Parmi les autres fêtes, il y a celle de Tawûsgeran, la circulation du paon. Les qawals et autres dignitaires religieux, visitent les villages yézidis, en balançant au son des tambourins de brillants encensoirs. Ils apportent le Sindjak, sorte d’images sacrées représentant l’Ange-Paon, associé à Tawûsê Melek. Les qawals vénèrent le Sinjak, prêchent des sermons, distribuent de l’eau sacrée, récoltent les offrandes qui serviront à l’entretien du tombeau de Cheikh Adi et des prêtres.

À Vienne, en Autriche, est conservé un magnifique symbole de bronze ou de cuivre jaune représentant l’Ange-Paon.



Prières et jeûnes

Debout, la face tournée vers le soleil qu’ils vénèrent, les Yézidis récitent deux prières par jour, le matin au lever du soleil et le soir, à son coucher. Ces hymnes et ces chants viennent principalement de leur livre sacré Misehfa Resh (Livre noir.) Le mercredi est leur jour saint, travaillé, mais le jour de repos reste le samedi.

Les Yézidis observent deux périodes de jeûne de 40 jours, en hiver et en été. Ils jeûnent un mercredi de février, et le lendemain, commence la fête de Khdir Allias.

Traditions et coutumes

Les Yézidis proclament qu’ils descendent tous d’Adam. Ils se marient entre eux, ils restent le plus souvent monogames. Ils aiment la nature, honorent les arbres et les rivières, respectent l’environnement. Il leur est interdit de cracher sur les quatre éléments sacrés, l’eau, le feu, la terre, l’air. Leur religion leur prohibe certains mets, comme la laitue, le chou-fleur, parfois le poulet, et leur déconseille de porter du bleu.

Aujourd’hui, les jeunes portent des vêtements à l’occidentale, mais les anciens ont gardé leur habit traditionnel, large pantalon kurde, longue chemise au col échancré, tunique, et ceinture. Ils sont coiffés d’un haut bonnet de feutre marron entouré d’un turban. Les femmes vont de blanc vêtues, coiffées de turbans ou de fichus.

Les enfants sont amenés à Lalish, entre 6 mois et un an, aspergés d’eau de la source blanche sur le front, par le Cheikh ou le Pir, et baptisés. La circoncision est répandue, mais elle n’est pas exigée.

Les morts sont enterrés à proximité de leur village, dans des tombes coniques, immédiatement après leur décès.

Une histoire tragique

Au cours de l’histoire, les villages yézidis subirent les pires atrocités. Au milieu du XIIIeme siècle, des princes locaux, comme Badr al-Din Lulu, émir de Mossoul, dévastèrent le Cheikhan, massacrèrent un grand nombre d’adeptes de Cheikh Adi, mirent le feu au tombeau du saint et brûlèrent les ossements. Le tombeau fut reconstruit.

Les Ottomans, au milieu du XVIIeme siècle, envoyèrent à Cheikhan le Pacha de Van, Shamus Pacha avec des troupes, pour détruire le temple de Cheikh Adi et tuer le plus grand nombre de Yézidis.

En 1708, il y eut une rébellion des Yézidis contre l’Empire ottoman dans le Djebel Sindjar massif montagneux situé à l’ouest de Mossoul. L’émir de Bagdad, nommé Hassan Pacha, reçut l’ordre d’aller écraser les révoltés. La répression fut terrible.

Les Pachas de Bagdad et de Mossoul laissèrent souvent leurs troupes supplétives malmener les malheureux Yézidis.

À la fin du XIXeme siècle, Omar Wabi Pacha, inspecteur général de l’Irak, expédia une armée redoutable pour décimer les Yézidis et abolir leur religion.

En 1892, Qoriakos Paulus Daniel, l’évêque syriaque originaire de Bagdad, signala dans sa chronique que le gouverneur de Mossoul, Omar Fami Pacha, avait mené une terrible campagne contre les Yézidis.
Ce pacha fit venir 70 personnalités, les poussa à l’apostasie. Une partie du groupe accepta, l’autre refusa et fut persécutée. Quatre personnes moururent piétinées sur le champ. Le 20 août, Omar Fami Pacha fit chercher à Baadre, Bashika, Bahzane, les Sindjaks, symboles religieux des Yézidis, il les profana et les détruisit. Un an après, en 1893, il envoya 7 corps d’armée pour détruire les Yézidis du Sindjar.

À partir de 1915, en pleine guerre mondiale, les Yézidis protégèrent les chrétiens arméniens poursuivis par les Turcs et les Assyro-Chaldéens-Syriaques, qui se réfugièrent dans le Djebel Sindjar. Ils en accueillirent environ trente mille, jusqu’en 1918.

En février 1918, ils refusèrent de livrer les persécutés, les défendirent contre les Turcs qui avaient envoyé des contingents dans le Sindjar. Ils menèrent de durs combats, mais, inférieurs en effectifs, mal armés, ils furent battus près de Balad. Ils se réfugièrent dans les montagnes avec les chrétiens.

Délivrés par les Anglais du joug ottoman, ils acceptèrent de reconnaître comme leur chef Hemo Soro, choisi par leurs libérateurs.

En 1933, les Yézidis du Sindjar n’optèrent pas pour la Syrie, mais pour l’Irak indépendant. En 1934, se posa le problème du service militaire, dont ils étaient dispensés par un firman depuis 1849. Ils demandèrent à Bagdad, non l’exemption du service militaire, mais la constitution d’une unité spéciale yézidie. Le gouvernement irakien, désireux d’unifier le pays, d’assimiler peuples et communautés en un seul peuple, une seule religion, l’islam sunnite, refusa net. Il y eut une révolte contre le régime de Bagdad à Sindjar et dans le territoire habité par les Yézidis. Cette révolte, menée sous la direction de Daoude Daoud, Cheikh yézidi du Mihirkam, fut partiellement suivie par les autres tribus. Bagdad envoya pour des représailles le général Bakr Sidqi, avec une colonne. La répression fut sanglante dans tout le Sindjar, des villages incendiés, 2000 prisonniers déportés vers le sud. Deux notables chrétiens, qui avaient soutenu Daoude Daoud, furent pendus à Mossoul. Après plusieurs mois de combat, dans la nuit du 12 au 13 octobre, le chef Daoude Daoud fut défait, blessé, il s’enfuit en Syrie où il fut interné. En 1936, le gouvernement irakien décréta une amnistie ; les révoltés yézidis purent revenir chez eux. Daoude Daoud rentra en Irak, il fut conduit au village de Sanate, mon village natal, au nord du pays, et vécut en exil. Les Sanatiens l’accueillirent gentiment, pendant trois ans. Mon père, qui était alors gamin, me raconta que les garçons du village traçaient autour de lui des cercles enchantés, comme Enkidu autour de Gilgamesh, dans la célèbre et vieille épopée mésopotamienne.

Sous le régime de Saddam Hussein, les Yézidis souffrirent d’une politique d’arabisation. Souvent unis aux Peshmergas, combattants kurdes, ils luttèrent contre les troupes baassistes. Plusieurs villages yézidis furent encore détruits.

Depuis 1991, et en 2003, la chute de Saddam Hussein, le Gouvernement autonome du Kurdistan, reconnaît cette communauté digne et courageuse : elle refusa toujours de se laisser assimiler par le pouvoir et la société qui l’environnait. Il valorise la participation des Yésidis à la résistance kurde, contre l’oppression du régime de Bagdad. Il voit en eux une ethnie kurde, ayant cependant sa propre religion, ses coutumes.

Le droit des Yézidis de pratiquer leur culte est reconnu par la nouvelle Constitution irakienne et par la Constitution du Kurdistan fédéral. Ils sont représentés au parlement, ont deux ministres.

Malheureusement aujourd’hui, des groupes islamistes menacent les villages yézidis, les font vivre dans la crainte de nouveau.


La fin du voyage

L’heure était venue pour Cheikh Khairy, pour mon frère et moi de quitter cet endroit beau, unique, inoubliable, où reposait le grand Cheikh Adi. L’on y respirait une atmosphère limpide qui touchait le cœur, elle venait de la foi des Yésidis, des flèches blanches, cannelées du sanctuaire, de l’eau sacrée, de la luxuriante et paisible vallée, de la beauté primitive des montagnes, des arbres et des fleurs.

En chemin, nous nous arrêtâmes, descendîmes de voiture, pour nous dire adieu. Cheikh Khairy nous offrit deux kilos de figues sèches du Sindjar, puis il nous embrassa, avant de remonter en voiture et de se diriger vers Dohuk. Quant à nous, nous regagnâmes Erbil.

Le lendemain, je pris l’avion pour Cologne, en Allemagne. Par le plus pur hasard, le professeur Khalil Jindi se trouvait dans le même avion, accompagné du sous-préfet de Cheikhan. À l’aéroport de Cologne, une délégation de Yézidis vint les accueillir avec beaucoup de joie.

Ce fut réellement l’un des plus intéressants voyages de ma vie.