samedi 13 avril 2002

La Charte de Muhammad


page d'écriture dite hijazi (première écriture arabe)

Coran, sourate XXVI, 23-51. VIIe-VIIIe siècles. Parchemin.
BNF, Manuscrits orientaux (Arabe 328)


L’auteur de la Chronique de Séert

La Chronique couvrait les événements jusqu’au onzième siècle.

Nous ne connaissons pas l’auteur de la Chronique. Chrétien, nestorien, il est sans doute un homme d’église et vit en Haute Mésopotamie. Il vogue sur un océan de mots, il aborde des rivages oubliés. Il écrit en arabe, mais il parle le syriaque et utilise des termes syriaques. Selon de nombreux orientalistes, il aurait composé sa chronique avant 1023,

Le texte est basé sur des sources anciennes où l’auteur a puisé.

Après la Conquête, en un premier temps, les Arabes musulmans laissèrent aux populations soumises la liberté religieuse, pourvu qu’elles payassent l’impôt. La Chronique de Séert contient une charte de protection, accordée par Mohammad aux chrétiens de Najran, qui lui avaient apporté leurs présents, et à tous les chrétiens :

« Cette copie a été faite sur un registre qui fut retrouvé en 265 (878-879 de notre ère) à Birmantha chez Habib le moine. Selon le témoignage de celui-ci, la copie venait de la bibliothèque de philosophie, dont il avait été conservateur avant de devenir moine; le pacte était écrit sur une peau de bœuf qui avait jauni, et portait le sceau de Mohammad, que la paix soit sur lui. »

En voici la copie :

« Au nom de Dieu clément et miséricordieux.

« Charte de protection donnée par Dieu et son Apôtre à ceux qui ont reçu le Livre (sacré), aux chrétiens qui appartiennent à la religion de Najran ou à toute autre secte chrétienne. Il leur a été écrit par Mohammad, envoyé de Dieu près de tous les hommes, en gage de protection de la part de Dieu et de son Apôtre, et afin qu’il soit pour les musulmans qui viendront après lui un pacte qui les engagera, qu’ils devront admettre, reconnaître pour authentique et observer en leur faveur. Il est défendu à tout homme, fût-il gouverneur ou détenteur d’autorité, de l’enfreindre ou de le modifier. Les Croyants ne devront pas être à la charge des chrétiens, en leur imposant d’autres conditions que celles qui sont portées dans cet écrit. Celui qui le conservera, qui le respectera, qui se conformera à ce qui y est renfermé, s’acquittera de ses devoirs et observera le pacte de l’Apôtre de Dieu. Celui qui, au contraire, le violera, qui s’y opposera, qui le changera, portera son crime sur sa tête; car il aura trahi le pacte de Dieu, violé sa foi, résisté à son autorité et contrevenu à la volonté de son Apôtre : il sera donc imposteur aux yeux de Dieu. Car la religion que Dieu a imposée, et le pacte qu’il a fait, rendent la protection obligatoire. Celui qui n’observera pas ce pacte, violera ses devoirs sacrés, et celui qui viole ses devoirs sacrés n’a pas de fidélité et sera renié par Dieu et par tous les Croyants sincères. La raison pour laquelle les chrétiens ont mérité d’obtenir ce pacte de protection de Dieu, de son Envoyé et des Croyants, est un droit qu’ils se sont acquis, et qui engage quiconque est musulman, d’obtenir cette charte établie en leur faveur par les hommes de cette Religion et qui force tout musulman à y avoir égard, à lui prêter main-forte, à la conserver, à la garder perpétuellement et à la respecter fidèlement. » [Chronique de Séert, II, 281-282-283]


Le catholicos Ishô’yahb II sentait monter une nouvelle religion, l’Islam. Dès 632, il dépêcha au prophète Mohammad une ambassade dirigée par l’évêque de Maïshan, ville située au sud de l’Iraq, pour solliciter sa protection :

“Le catholicos Ishô’yahb avait envoyé au Prophète- que la paix soit sur lui- des présents et mille statères d’argent avec Gabriel, évêque de Maïshan, homme vertueux et savant. Il lui écrivit, lui demandant d’être bienveillant envers les chrétiens.” [II, 298-299]

Muhammad étant mort entre temps, ce fut le calife Abû Bakr (632-634) qui reçut l’évêque Gabriel et lui accorda ce qu’il désirait.

Cette charte est très ancienne. Les musulmans du Proche-Orient se doivent de la découvrir aujourd’hui.


Voir le livre « Les chroniqueurs syriaques », Éphrem-Isa YOUSIF, éd. L’Harmattan, Paris, 2002, pp. 277-344.