Colloque international
Les minorités religieuses, chrétienne et
yézidie d’Irak ont payé un très lourd tribut à la suite de l’occupation de
leurs territoires par les djihadistes de Daesh.
Alors que la Coalition internationale accélère les préparatifs
militaires pour la bataille de Mossoul pour libérer cette province de la férule
de Daesh, la question du statut futur es minorités religieuses n’est guère
abordée.
Or il s’agit d’une question cruciale. La communauté chrétienne de Mossoul a été
martyrisée bien avant l’invasion de Daesh par les diverses milices arabes
sunnites liées ou non à Al-Qaïda. Sans
un statut clair et garanti pour assurer la sécurité et l’autonomie de ces
communautés, la défaite de Daesh peut ne pas se traduire par un avenir apaisé
pour ces minorités religieuses en péril.
Le colloque organisé par l’Institut kurde a
pour but de susciter un débat public sur ce sujet avec des représentants de ces
minorités ainsi que des experts occidentaux afin de contribuer à l’information
des élus et de l’opinion publique sur ces enjeux importants.
Ce colloque fut organisé au Sénat (Palais du
Luxembourg, salle Clemenceau) par l’Institut kurde de Paris, le vendredi 25
novembre 2016.
J’avais rencontré quelque temps auparavant le
directeur de l’Institut kurde, Kendal Nezan, et nous avions discuté ensemble,
nous demandant ce que nous pouvions faire pour soulager les chrétiens de
Mossoul et de la plaine de Ninive et les yezidis, tous victimes de l’Etat
islamique. Il m’avait chargé des relations avec les communautés chrétiennes kurde
et demandé d’inviter des évêques irakiens, qui administraient ces diocèses.
Rapidement, je me mis en contact avec
Monseigneur Petrus Moushé, évêque syriaque catholique de Mossoul et de
Qaraqosh, et Monseigneur Mikha Maqdasi, évêque chaldéen catholique
d’Alqosh.
L’Institut prenait en charge leur voyage et
leur séjour. Ils acceptèrent de venir à Paris et de témoigner des souffrances
vécues par leurs fidèles, oppressés dès 2004, par des organisations liées à
al-Qaida.
Les chrétiens, dès 2004, furent pris comme
cible par les anciens du parti bassiste de Saddam Hussein et les fanatiques
musulmans. Les meurtres se multiplièrent, pour les terroriser, les forcer à
quitter le pays, en leur disant que l’Irak était une terre d’Islam et que les
chrétiens n’avaient plus le droit d’y vivre.
Entre 2004 et 2013, il y eut plus de 1026
personnes tuées froidement, pour la seule raison qu’elles étaient chrétiennes. Cette
terreur toucha l’Eglise de l’Irak, comme institution. Le 11 octobre 2006, le
père Paulus Iskandar, syriaque orthodoxe, fut assassiné à Mossoul, comme en
2007, le père chaldéen Ragad Ganni, tué avec les quatre chrétiens qui
l’assistaient.
Le 22 février 2008, Monseigneur Paulus Faraj
Raho, archevêque de Mossoul, fut pris en otage. Le 13 mars, on retrouva son
corps jeté dans une décharge.
La ville de Bagdad aussi fut prise pour
cible. Le 6 avril 2008, le prêtre Yousif Adel Aboud, syriaque orthodoxe, trouva
une mort tragique, abattu en présence de sa femme.
Le 31 octobre 2010, des extrémistes
musulmans liés à Al-Qaida, pénétrèrent dans l’église Notre-dame du Bon secours
à Bagdad, pendant la messe du dimanche, et prirent en otage tous les fidèles. Une
mare de sang coula bientôt dans l’église. On compta 58 morts et 78 blessés :
parmi les victimes, deux jeunes prêtres syriaques catholiques, Thamer Abdal et Wassim
Sabih. Dans l’ensemble de l’Irak, 61 églises et couvents furent détruits.
En juin 2014, Daesh, créée à partir
d’al-Qaida et d’anciens bassistes, occupa Mossoul, et instaura un califat. Les minorités
durent payer un lourd tribut à l’occupation de leurs territoires. Les Yezidis furent
massacrés, leurs femmes vendues comme du bétail. Les chrétiens de la plaine de
Ninive (130 000 personnes environ) durent s’enfuir, abandonnant leurs
maisons et tous leurs biens, et se réfugier dans des camps à Erbil, où ils
vivent encore péniblement.
Le débat de ce jour au Sénat posait une
question : Quel statut pour les chrétiens et les yézidis après la bataille
de Mossoul, commencée par les Américains, l’armée irakienne et leurs alliés
dans la nuit du 16 octobre 2016 ? Il s’agit d’une question vitale. Depuis,
plusieurs villages ou villes comme Qaraqosh Bertela Tellesqof ont été libérés.
Dans la salle Clémenceau, Monseigneur Moushé
débuta l’intervention, disant qu’il avait rencontré François Hollande et François
Fillion, pour parler du problème des chrétiens d’Irak. Il réclama une aide
internationale : « Nous avons besoin d’une protection internationale,
ou du moins d’un comité international, qui puisse nous assurer la possibilité
de vivre en paix et en sécurité….Nous voulons une garantie des pays
occidentaux, pour que le pouvoir central irakien assure nos droits et notre
défense. Vu la gravité et l’urgence de la situation nous vous supplions de
faire tout votre possible pour trouver une solution. … De leur côté, les
Kurdes ont montré du respect et de la sympathie, et ont ouvert largement le
Kurdistan (aux réfugiés chrétiens).
Il continua : « Notre peuple n’a
pas le courage et l’audace de rentrer chez lui et de reconstruire et pense
toujours à l’émigration. Et nous ne trouvons pas sage et prudent de leur
demander de rentrer.»
Comment rendre vie à la plaine de
Ninive ? Les villages ont été libérés, mais saccagés. Le manque d’eau,
d’énergie, de services, d’écoles, d’hôpitaux, de travail, de sécurité, rendent
le retour de ce peuple difficile. Difficile aussi le côtoiement des voisins
arabes, avec qui les chrétiens avaient auparavant de bonnes relations, et qui
ont dénoncé, volé et pillé leur bien. Le déminage est crucial. Onze personnes
ont déjà été tuées par les mines.
Le
prélat réclamait aussi la création de « cantons reliés aux cantons yézidis
dans un grand gouvernorat autogéré. Cette zone serait associée au Kurdistan ou au
gouvernement central de Bagdad. »
Monseigneur
Maqdasi parla ensuite de la situation dramatique de son diocèse, où de nombreux
villages ont été occupés et détruits, et la population contrainte de se
réfugier au Kurdistan irakien. Il insista pour avoir un Etat irakien qui
garantisse les droits de tous ses citoyens. Il appela à l’aide pour la
reconstruction de la ville de Tellesqof et des villages de la plaine de Ninive.
Madame
Vian Dakhil, député yezidie au Parlement irakien, parla du génocide des yézidis
de Sindjar et de la plaine de Ninive, des massacres, des enlèvements, des
viols, des femmes vendues sur les marchés de Mossoul et de Raqqa, comme esclaves
sexuelles. Son intervention émouvante, illustrée de cas concrets, impressionna
le public. Les problèmes demeureront, dit-elle, même après la prise de Mossoul
par l’armée irakienne, car la mentalité hostile et haineuse à l’égard des
Yezidis et des chrétiens n’est pas morte. L’idéologie de Daesh persiste toujours
en Irak.
Monsieur Bernard Kouchner, ancien ministre
des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, intervint à son tour au sujet
de l’état dramatique de ces réfugiés chrétiens et yezidis : « J’ai été un
grand auteur du droit d’ingérence, mais le temps des forces internationales est
fini. Les gens n’en veulent plus. Je serais à vos côtés pour l’exiger, mais ce
n’est plus à la mode dans la population. Malheureusement, la réalité des pays
occidentaux a changé. »
Je remarquai les visages déçus des prélats
irakiens et des représentants yezidis. Ils avaient le sentiment que leur
demande de protection internationale demeurerait hypothétique, car leur sort
dépendait des autorités irakiennes et kurdes qui voulaient régler leurs
contentieux et s’intéressaient davantage à leurs intérêts qu’à celui des
minorités.
Cependant, les deux représentants du
gouvernement du Kurdistan, Adnan Moufti, ancien président du parlement kurde et
Ali Dolamari, représentant du gouvernement du Kurdistan à Paris, affirmèrent que
les Kurdes portaient attention à ces deux communautés, yezidie et chrétienne,
et que les responsables kurdes avaient l’intention de les aider et de les
soutenir dans leurs revendications.
Il y avait beaucoup de monde dans la salle
du Sénat, parlementaires, et autres personnalités. Un sénateur, M. Yves Pozzo
di Borgo, prit la parole à son tour. Il évoqua la forte rivalité entre chiites
et sunnites dans cette région du Moyen -Orient, la nécessité d’y promouvoir une
force laïque, et de garantir l’équilibre économique, politique et social entre les
différents groupes, de les protéger. Le Sénat, dit-il, examinait plusieurs
résolutions en ce sens et ferait bientôt des propositions.
Bien sûr, on notait dans la salle Clemenceau,
la présence de nombreux Assyro-chaldéen-syriaques.
A la fin du colloque, j’avais obtenu une
conférence de presse pour les deux évêques irakiens ; mais hélas, leur
emploi du temps était trop chargé.
Hélas, l’avenir des minorités dans cette
région du Moyen-Orient reste incertain, la forte montée d’un fondamentalisme
religieux inquiète et n’arrange pas les choses.
Une proposition du Sénat
Le mardi 6 décembre, le Sénat adopta à l
Elle invitait le gouvernement à
« utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide,
les crimes contre l’humanité, et les crimes de guerre perpétrés contre les
minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak. »
Résolution ô combien importante, qui portera à la connaissance des Etats
et du public tous ces crimes atroces ! Concernant les Assyro-Chaldéen-syriaques, ils ont été
vraiment les victimes innocentes de la terreur et du fanatisme de Daesh.
Pourront-ils rester dans leur pays, ou le désespoir et l’abandon les
pousseront-ils à chercher refuge à l’étranger ?
Ephrem
Isa YOUSIF
65 rue Villeneuve
92110
Clichy – France
http://sanate.free.fr